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samedi, 03 octobre 2009

Hiroshima: la décision fatale

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1996

 

 

Hiroshima: la décision fatale selon Gar Alperovitz

 

Si on examine attentivement l'abondante littérature actuelle sur l'affrontement entre le Japon et les Etats-Unis au cours de la seconde guerre mondiale, on ne s'étonnera pas des thèses que vient d'émettre Gar Alperovitz, un historien américain. Son livre vaut vraiment la peine d'être lu dans sa nouvelle version alle­mande (ISBN 3-930908-21-2), surtout parce que la thématique de Hiroshima n'avait jamais encore été abordée de façon aussi détaillée. Alperovitz nous révèle une quantité de sources inexplorées, ce qui lui permet d'ouvrir des perspectives nouvelles.

 

Il est évidemment facile de dire, aujourd'hui, que le lancement de la première bombe atomique sur Hiroshima le 6 août 1945 a été inutile. Mais les contemporains de l'événements pouvaient-ils voir les choses aussi clairement? Qu'en pensaient les responsables de l'époque? Que savait plus particulière­ment le Président Truman qui a fini par donner l'ordre de la lancer? Alperovitz nous démontre, en s'appuyant sur de nombreuses sources, que les décideurs de l'époque savaient que le Japon était sur le point de capituler et que le lancement de la bombe n'aurait rien changé. Après la fin des hostilités en Europe, les Américains avaient parfaitement pu réorganiser leurs armées et Staline avait accepté d'entrer en guerre avec le Japon, trois mois après la capitulation de la Wehrmacht. Le prolongement de la guerre en Asie, comme cela avait été le cas en Europe, avait conduit les alliés occidentaux à exiger la “capitulation inconditionnelle”, plus difficilement acceptable encore au Japon car ce n'était pas le chef charismatique d'un parti qui était au pouvoir là-bas, mais un Tenno, officiellement incarnation d'une divi­nité qui gérait le destin de l'Etat et de la nation.

 

Alperovitz nous démontre clairement que la promesse de ne pas attenter à la personne physique du Tenno et la déclaration de guerre soviétique auraient suffi à faire fléchir les militaires japonais les plus en­têtés et à leur faire accepter l'inéluctabilité de la défaite. Surtout à partir du moment où les premières at­taques russes contre l'Armée de Kuang-Toung en Mandchourie enregistrent des succès considérables, alors que cette armée japonaise était considérée à l'unanimité comme la meilleure de l'Empire du Soleil Levant.

 

Pourquoi alors les Américains ont-ils décidé de lancer leur bombe atomique? Alperovitz cherche à prouver que le lancement de la bombe ne visait pas tant le Japon mais l'Union Soviétique. L'Amérique, après avoir vaincu l'Allemagne, devait montrer au monde entier qu'elle était la plus forte, afin de faire valoir sans con­cessions les points de vue les plus exigeants de Washington autour de la table de négociations et de tenir en échec les ambitions soviétiques.

 

Le physicien atomique Leo Szilard a conté ses souvenirs dans un livre paru en 1949, A Personal History of the Atomic Bomb;  il se rappelle d'une visite de Byrnes, le Ministre américain des affaires étrangères de l'époque: «Monsieur Byrnes n'a avancé aucun argument pour dire qu'il était nécessaire de lancer la bombe atomique sur des villes japonaises afin de gagner la guerre... Monsieur Byrnes... était d'avis que les faits de posséder la bombe et de l'avoir utilisé auraient rendu les Russes et les Européens plus conci­liants».

 

Quand on lui pose la question de savoir pourquoi il a fallu autant de temps pour que l'opinion publique américaine (ou du moins une partie de celle-ci) commence à s'intéresser à ce problème, Alperovitz répond que les premières approches critiques de certains journalistes du Washington Post ont été noyées dans les remous de la Guerre Froide. «Finalement», dit Alperovitz, «nous les Américains, nous n'aimons pas entendre dire que nous ne valons moralement pas mieux que les autres. Poser des questions sur Hiroshima, c'est, pour beaucoup d'Américains, remettre en question l'intégrité morale du pays et de ses dirigeants».

 

Le livre d'Alperovitz compte quelques 800 pages. Un résumé de ce travail est paru dans les Blätter für deutsche und internationale Politik (n°7/1995). Les points essentiels de la question y sont explicités clai­rement.

 

(note parue dans Mensch und Maß, n°7/1996; adresse: Verlag Hohe Warte, Tutzinger Straße 46, D-82.396 Pähl).

 

vendredi, 25 septembre 2009

Quand bouddhisme rimait avec impérialisme

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QUAND BOUDDHISME RIMAIT AVEC IMPERIALISME

 

 

par Laurent Schang

 

Avec le dernier tiers du XIXe siècle, l’archipel nippon connaît ses ultimes années d’isolationnisme. A rebours de la xénophobie ambiante, savamment cultivée par les conseillers shogunaux d’Edo (l’ancienne Tôkyô), la jeunesse samouraï se passionne pour l’Occident moderne et souhaite voir rapidement le Japon s’ouvrir au changement et au progrès tant vantés par ces drôles d’Occidentaux. Le 3 janvier 1868, le régime féodal est renversé et l’Empereur Mutsu-Hito, âgé de quinze ans, est officiellement proclamé seul détenteur du pouvoir. Le jour même, le Japon entre dans l’ère Meiji.

Jeunes et intrépides, volontaires et éclairés, les hommes qui s’emparent du pouvoir se veulent aussi ultranationalistes, conséquence d’une éducation isolationniste et du sentiment d’appartenance à une caste supérieure.

Mélange de théocratie, d’autoritarisme et de démocratie, la nouvelle Constitution, résolument conservatrice, s’attache plus à définir les devoirs du sujet que ses droits. Conscient de l’infériorité technique du Japon sur l’étranger, le nouveau gouvernement, malgré son inexpérience, bénéficie des deux atouts majeurs que sont un peuple sévère, religieux et travailleur, et l’appui du Tennô («l’Empereur ») en tant qu’agent fédérateur et ferment du renouveau national. Faisant preuve d’une remarquable adaptation intellectuelle et pourvues d’un solide aplomb, de nombreuses délégations d’émissaires et d’étudiants sont envoyées en Europe et en Amérique où, jouant de leur exotique affabilité, ils observent, étudient et enregistrent avec application les technologies occidentales.

Plus soucieux de réformes que de révolution, le Japon se modernise à grands pas et axe sa priorité immédiate sur ses besoins militaires et navals. D’origine largement rurale, l’armée nouvelle, calquée sur le modèle prussien, devient le centre de gravité de la nation. En l’espace de vingt ans, le monde assiste, d’abord incrédule puis inquiet, à l’émergence d’un Japon vindicatif qui organise sa révolution industrielle en préservant tout à la fois et son indépendance politique et les caractéristiques essentielles de sa civilisation.

Réussite incontestable, la restauration Meiji a su catalyser les énergies en sommeil de tout un peuple, transformant l’humeur belliqueuse de la noblesse, autrefois source de discorde et de faiblesse, en un argument précieux dans la lutte acharnée que le Japon s’apprête à livrer à l’homme blanc.

Bien sûr, pareille métamorphose ne va pas sans provoquer des conflits. La culture religieuse traditionnelle est ainsi profondément remaniée dans une finalité impérialiste. Le nouveau régime instaure un culte patriotique dont l’Empereur est la divinité vivante. Le Bushidô (littéralement « voie du guerrier »), auparavant réservé à la caste des samouraïs, est étendu à l’ensemble de la société. Le peuple entier adopte l’idéal martial pour code de vie.

On assiste également au retour en force d’une orthodoxie shintoïste revivifiée, sacralisant sol, sang et ancêtres en un même élan mystique, par opposition au bouddhisme d’importation plus récente, à vocation universaliste et relativiste. Religion étrangère, introduite au VIe siècle, le bouddhisme, après avoir frôlé l’interdiction pure et simple en raison de sa doctrine de la compassion et de la non-violence, est sommé de se conformer aux aspirations du Japon moderne. Les sectes bouddhiques choisissent de coopérer. Le « nouveau bouddhisme » sera donc loyaliste et nationaliste. La colombe s’est transformée en faucon. Le résultat : le Yamato damashii (« l’esprit du Japon »), religion d’Etat, syncrétisme de bouddhisme, de shintoïsme et de confucianisme.

Après une entrée fracassante dans l’âge industriel, le Japon se voit bientôt contraint par les nécessités économiques et démographiques de suivre les exhortations des Zaïbatsu, cartels industriels qui en appellent au colonialisme pour résoudre les difficultés de la nation. Le bouddhisme va fournir la justification morale à ses ambitions territoriales. D’agression militaire qu’elle était au départ, la guerre devient aux yeux des Japonais une mission mondiale d’émancipation des peuples opprimés, une « Sainte guerre pour la construction d’un ordre nouveau en Asie de l’Est ».

D.T. Suzuki, maître zen de nos jours encore vénéré, s’en fait le propagandiste zélé. Un précepte zen ne dit-il pas : « Si tu deviens maître de chaque endroit où tu te trouves, alors où que tu sois sera la vérité… » (1) Toutes les guerres que mènera le Japon au XXe siècle procéderont de la même politique de l’escalade. Du premier conflit sino-japonais en 1894-95 au fatal bombardement de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, en passant par l’invasion de la Mandchourie en 1931 et les trois attaques répétées contre l’URSS en 1938 et 1939.

Quant à l’implication du clergé bouddhique, on sait désormais grâce au livre de Brian Victoria (2) qu’il ne s’agissait pas d’un dérapage mais bien d’un processus logique inscrit dans l’évolution du bouddhisme nippon.

 

(1) cf. Aventures d’un espion japonais au Tibet de Hisao Kimura et Scott Berry, Editions Le Serpent de Mer.

(2) Le zen en guerre 1868-1945, Brian Victoria, traduction de Luc Boussard, Editions du Seuil, 21,04€.

vendredi, 11 septembre 2009

Ecole des Cadres: revues à lire

SYNERGIES EUROPEENNES -  Ecole des Cadres

Bruxelles/Liège/Namur - Septembre 2009

 

 

 

 

Revues d’histoire, de géopolitique et de stratégie à lire impérativement pour étoffer nos séminaires et conférences pour l’année académique 2009-2010. Toutes ces revues se trouvent en kiosque.

 

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“Champs de bataille”

 

n°29 (septembre-octobre 2009)

 

Au sommaire:

 

Gautier LAMY

Histoire géostratégique de la Crimée

 

Pierre-Edouard COTE

La guerre d’Orient: la campagne de Crimée 1854-1856

 

Jean-Philippe LIARDET

Sébastopol et la Crimée pendant la Seconde Guerre Mondiale

 

Raphaël SCHNEIDER

La guerre italo-turque de 1911-1912: la conquête de la Libye

 

Etc.

 

“Ligne de Front”

 

n°19 (septembre-octobre 2009)

 

Au sommaire:

 

1939: la campagne de Pologne – Les débuts de la Blitzkrieg

 

DOSSIER PETROLE

 

Yann MAHE

Pétrole 1939-1945: le nerf de la guerre

 

Roumanie: la chasse gardée du III° Reich

 

1941: le Golfe s’embrase ! La rébellion irakienne

 

1941: l’Iran passe sous la coupe des Alliés

 

1941-1942: la campagne des Indes néerlandaises – Le pétrole, l’un des enjeux de la guerre du Pacifique

 

1942: Objectif Bakou – Coups de main dans le Caucase

 

1944: Red Ball Express Highway – Artère du ravitaillement allié

 

etc.

 

“Diplomatie”

 

n°40 (septembre-octobre 2009)

 

Géopolitique de l’Océan Indien

 

Alain GASCON

Les damnés de la mer: les pirates somaliens en Mer Rouge et dans l’Océan Indien

 

Houmi AHAMED-MIKIDACHE

Comores: microcosme de l’Afrique

 

André ORAISON

A propos du différend franco-comorien sur Mayotte au lendemain de la consultation populaire du 29 mars 2009 relative à la départementalisation de l’ “île hippocampe”

 

Hors dossier:

 

Entretien avec Richard STALLMAN: Logiciels libres: vers la fin de la colonisation numérique?

 

Ketevan GIORGOBIANI

Russie-Géorgie: un an après la guerre

 

Benoit de TREGLODE

Viêt Nam-Chine: nouvelle crise ou tournant géopolitique?

 

Etc.

 

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“Diplomatie”

 

Hors-Série n°9 – août-septembre 2009

 

Géopolitique et géostratégie de l’espace

 

Xavier PASCO

Les transformations du milieu spatial

 

Jacques VILLAIN

Une brève histoire de la conquête spatiale

 

Alexis BAUTZMANN

Les grandes divisions de l’espace

 

Jacques VILLAIN

La conquête de la Lune (1968-1969): le dénouement

 

Alain DUPAS

La “Guerre des étoiles”: un tournant décisif de la guerre froide

 

Entretien avec Mazlan OTHMAN

Les Nations Unies et l’espace

 

Entretien avec François-Xavier DENIAU

La France et l’espace

 

Entretien avec Alexandre ORLOV

Les enjeux de l’espace, vus de Russie

 

Philippe ACHILLEAS

Le statut juridique de la Lune

 

Sophie CLAIRET

A la conquête de Mars: qui a les moyens de ses ambitions?

 

Entretien avec Jacques VILLAIN

Espaces civil et militaire – Le jeu des puissances

 

Géraldine NAJA-CORBIN

Vers une politique spatiale européenne ambitieuse pour répondre aux défis du XXI° siècle

 

Entretien avec Thierry MICHAL

GRAVES: le Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale

 

Etc.

 

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“Moyen-Orient”

 

n°1 (août-septembre 2009)

 

Entretien avec Olivier ROY sur le Moyen-Orient

 

Bernard HOURCADE

L’Iran face au défi de l’ouverture internationale

 

Entretien avec Fariba ABDELKAH

L’Iran aux urnes: quels enjeux?

 

Barthélémy COURMONT

La nouvelle politique iranienne de Washington: révolution ou simple changement de ton?

 

François NICOULLAUD

Iran nucléaire: le jeu des erreurs ou comment s’en sortir?

 

Mohammed EL OIFI

La couverture médiatique de la guerre de Gaza

 

Daniel MÖCKLI

Le conflit israélo-palestinien après la guerre de Gaza

 

Luis MARTINEZ

La rente pétrolière en Algérie: de Boumédiène à Bouteflika

 

Entretien avec Anouar HASSOUN

La finance islamique, une croissance mondiale?

 

Frédéric COSTE

Londres, centre européen de la finance islamique

 

Olivier PASTRE

La France et la finance islamique

 

Nadia HAMOUR

La mise en place de mandats au Moyen-Orient: une “malheureuse innovation de la paix”?

 

Etc.

 

 

 

samedi, 05 septembre 2009

Le destin tragique de Robert Denoël

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Le destin tragique de Robert Denoël

Entretien avec Louise Staman

Entretien paru dans le "Bulletin célinien", n°255, juillet-août 2004

 

 

Alors qu’une biographie de Robert Denoël était annoncée depuis plusieurs mois en France, c’est d’outre-Atlantique qu’est venue la surprise. Nous avons déjà évoqué ce travail (n°s 248 et 250) dû à un auteur américain, A. Louise Staman. Sa pugnacité de chercheuse et sa maîtrise des dossiers complexes ont abouti à un livre passionnant : With the Stroke of a Pen (A Story of Ambition, Greed, Infidelity, and the Murder of French Publisher Robert Denoël) (« D’un coup de plume. Une histoire d’ambition, de cupidité, de trahison ;  le meurtre de l’éditeur français  Robert Denoël  »).

« Tête romaine, figure romantique, mais empreinte d’énergie. Les yeux observateurs, sous les lunettes, pétillent d’esprit. ». Ainsi a-t-on décrit Robert Denoël dans la presse, trois ans avant sa mort. Dans la nuit du 2 décembre 1945, on lui tira une balle dans le dos. Six jours plus tard, sa maison d’édition changeait de propriétaire. Tels sont les faits bruts.

De  la  lointaine  Géorgie,  dans le sud-est  des  États-Unis d’Amérique, A. Louise Staman a bien voulu répondre aux questions que nous lui avons posées sur celui qui fut le premier éditeur de Céline.

 

 

Comment en êtes-vous venue à rédiger un livre sur Robert Denoël ?

Pendant des années, plusieurs professeurs et écrivains ont utilisé mes compétences de chercheuse.  Je n’oublierai jamais la première question que m’avait posée un professeur de français : « Qui est Pierre Frondaie ? ».  Il ne trouvait rien sur cet écrivain, pas même en France.  Après quelques semaines, je lui  ai envoyé 200 pages sur Frondaie, ancien époux de Jeanne Loviton, laquelle était dans l’auto avec Denoël la nuit de son meurtre.  J’avais trouvé la réponse à sa question, non en France, mais à l’Université de Michigan. Il m’a rapidement envoyé d’autres noms trouvés dans un certain dossier.  « Qui sont ces personnes ? », m’a-t-il demandé.  De la même façon, je lui ai adressé ce que j’avais découvert. C’était un travail plaisant pour moi.

Après quelques mois, il m’a envoyé une copie du dossier. Des centaines de pages de documents !  Un archiviste français, qui savait pertinemment que l’on ne pourrait jamais publier l’histoire de Denoël en France, avait signalé l’existence de ce dossier à cet ami américain qui étudiait la vie et l’œuvre de Jean Genet, un auteur de Denoël. Le dossier, sous scellés pendant près de quarante années, venait d’être ouvert aux chercheurs. Après avoir obtenu les permissions nécessaires, ce professeur américain en avait fait une copie.  « Le Dossier de non-lieu du 28 juillet 1950 » se compose des documents de la Cour et des enquêtes de police relatives à l’assassinat de... Robert Denoël.  D’abord, je ne souhaitais pas le lire.  Tant de pages ayant trait à une affaire judiciaire !   À contrecœur, j’ai néanmoins commencé. Surprise ! Les conclusions de ce dossier n’étaient pas du tout celles que je tirais moi-même de sa lecture !   J’ai alors acheté un dictionnaire juridique, et j’ai relu attentivement le dossier. Ma stupéfaction allait croissant !  Je l’ai lu une troisième fois… et ce que j’avais pensé la première fois se confirmait bel et bien.

J’ai d’abord travaillé en collaboration avec ce professeur, mais il s’intéressait plus à Genet qu’à Denoël.  En outre, il n’avait pas étudié le dossier et n’avait jamais lu Céline.  Puis il est devenu très malade et s’est désintéressé de cette affaire...  Mais, moi, désormais, rien ne me passionnait davantage que Robert Denoël. 

 

Pourquoi avoir choisi une forme romancée pour écrire cette biographie ?

La plupart de mes lecteurs sont américains.  Nous n’avons jamais été occupés par une armée étrangére.  Alors, il est très facile pour nous de dire : « Moi, je ne collaborerai jamais !  Jamais de la vie ! » Je voulais montrer que les choses ne sont pas si simples.  Pour la plupart des Français, la vie sous l’Occupation était très compliquée.  L’histoire de cette période est aujourd’hui présentée de manière manichéenne : héros contre méchants.  Moi, je voulais montrer un éditeur, un homme d’affaires, qui ne s’intéressait pas à la politique, qui n’était même pas Français d’origine.  Et je voulais que mon lecteur se dise : « Qu’aurais-je fait si j’avais été à la place de Denoël ? ». En fait, je voulais intéresser non pas l’érudit ou le connaisseur averti de cette période, mais le lecteur ordinaire.  Donc, j’avais besoin d’une histoire captivante au lieu d’une biographie en bonne et due forme,  destinée à un public sachant bien ce qui est arrivé durant ces années terribles. Deux observations à cet égard : 1) Comment faire d’une histoire si compliquée un récit facile à comprendre ?  Pour moi, la solution consistait à présenter au lecteur les réflexions du chercheur, qui peut ainsi proposer une déduction logique de choses ne s’expliquant pas aisément ; 2) Seul un chercheur peut trouver la vérité dans l’affaire Denoël. Aux États-Unis, deux bons chercheurs ont provoqué la démission d’un président (Richard M. Nixon).  Or, beaucoup de gens pensent que les recherches sont ennuyeuses.  Dans ce livre, je voulais aussi montrer l’excitation du chercheur face aux pistes qu’il suit. C’est comparable à une chasse au trésor. C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé d’écrire cette histoire sous forme romancée. 

 

Quelle place pensez-vous que Denoël occupe dans l'édition française ?  Comment jugez-vous son travail d'éditeur ?

Robert Denoël constitue toujours une sorte de bouc émissaire de l’édition française. En outre, il continue à être lié à la figure de Gaston Gallimard.  Si on regarde sur Internet, on verra le plus souvent que les vrais auteurs de Denoël sont présentés comme s’ils avaient été depuis le début des auteurs de Gallimard. Cette vision des choses commence à changer, mais très lentement.  

C’est aussi une destinée peu commune.  Robert Denoël est venu de Liège à Paris en 1926.  Il n’avait pas d’argent, pas d’amis importants, pas d’expérience véritable comme éditeur — rien.  Et avant sa mort en 1945, il a lancé les carrières d’Eugène Dabit, Blaise Cendrars, Luc Dietrich, Dominique Rolin, René Barjavel, Elsa Triolet, Jean Genet et Nathalie Sarraute.  ...Et bien entendu, celle de Louis-Ferdinand Céline !  Il a aussi édité Antonin Artaud, Paul Vialar, Robert Poulet, Jean de Bosschère, Louis Aragon, Lucien Rebatet, et René Laporte, parmi tant d’autres.   Ce n’est pas  tout :  avec  sa « Bibliothèque psychanalytique », il fut parmi les premiers à faire connaître les œuvres importantes de psychanalyse en France. Et avec sa « Collection des trois masques », il a présenté les nouvelles pièces du théâtre français. Robert Denoël était l’éditeur de ce qu’il y avait de nouveau en France dans plusieurs domaines : l’art, la littérature, le théâtre, et la psychologie.  Il s’est même intéressé à la littérature pour enfants. 

Ce qui me paraît vraiment incroyable, c’est le fait que les historiens de la littérature décrivent cet homme de grand talent comme l’éditeur collaborationniste par excellence et  affirment  sans  sourciller que sa  mort fut un « crime crapuleux » .

 

Si vous aviez à faire le portrait de Robert Denoël, quel serait-il ?

Trois personnes ont fait un bien meilleur portrait de lui que je ne pourrais le faire :  L.-F. Céline, Robert Poulet et Henri Thyssens.

Ceci dit, quand je pense à Robert Denoël, je vois ses yeux étincelants. Il est assis à une table avec d’autres personnes (des femmes, des hommes). Il joue aux cartes avec bravade, il prend des risques, mais étudie bien ses cartes. Il est très éloquent, mais on ne comprend pas toujours ce qu’il veut dire.  Il sourit...  Ses cartes sont très bonnes.  Est-ce qu’il triche ?  Il y a un mur derrière lui.  Et dans ce mur, un petit trou avec un œil qui observe les cartes de Denoël.  Tout le monde sourit.  Leurs conversations sont brillantes.  Mais les jeux sont faits...  

 

Pour quelle raison la revue Notre combat, créée par Denoël en 1939, fut-elle mise à l’index par l’occupant ?

Notre combat était une revue bien conçue (des écrivains de talent y donnaient des articles intéressants), et elle est rapidement devenue très en vogue.

Mais cette revue avait un ton très patriotique (et donc anti-allemand), ce qui valut des ennuis à Denoël lorsque les Allemands ont occupé le pays.

Sur un site Internet, où les éditions Denoël sont présentées, on peut lire que c’est pour maintenir à tout prix sa maison que Robert Denoël publia en 40 les Discours de Hitler, et ensuite les pamphlets de Rebatet. Est-ce à dire que cette initiative ne reflétait aucunement l’idéologie de l’éditeur et qu’il s’agissait en l’occurrence de pur opportunisme ?

Robert Denoël s’intéressait avant tout à la littérature.  Mais il souhaitait aussi que sa maison d’édition fût le reflet des idées politiques du temps. Sur ce point, il était d’accord avec son adversaire, Gaston Gallimard, qui pensait qu’un bon éditeur doit tout publier : Léon Blum aussi bien que Léon Daudet. Les deux hommes estimaient que ce n’était pas le rôle d’un éditeur de censurer les œuvres de leurs auteurs.  Durant les années trente, Denoël, comme la plupart des autres éditeurs français, a tout aussi bien publié des livres fascistes / antifascistes, communistes / anticommunistes, et philosémites /antisémites.  À l’époque, un éditeur digne de ce nom se reconnaissait précisément au fait qu’il publiait des auteurs aux idées politiques complètement différentes, voire même opposées.

On évoque souvent les livres fascistes ou antisémites publiés par Denoël, mais on ne rappelle jamais qu’il a aussi édité des livres signés Franklin D. Roosevelt ou... Staline.  Et on ne dit pas que Fayard et Grasset ont également édité Hitler, ou que Stock, Émile-Paul, Albin Michel, et Gallimard, parmi d’autres, ont, eux aussi, publié des œuvres très favorables à l’occupant.  Pourquoi cette discrimination ? 

C’est précisément l’un des sujets de mon livre. 

 

Pour quelle raison Denoël publia-t-il Les Beaux draps à l’enseigne des Nouvelles Éditions Françaises plutôt que sous celle des éditions Robert Denoël ?

C’est apparemment à la demande des Allemands que Denoël a créé cette collection de livres antisémites intitulée « Les Juifs en France ». Mais, ayant déjà payé cher pour ses publications anti-allemandes d’avant-guerre, il s’est sans doute demandé ce qui lui arriverait si les Alliés sortaient vainqueurs du conflit. Ainsi s’est-il décidé à regrouper ces livres antisémites sous l’égide des Nouvelles Éditions Françaises que même ses amis décrivaient comme une maison d’édition « très théorique ».

 

Était-il antisémite comme son auteur fétiche ?  On peut le penser en lisant son article « Louis-Ferdinand Céline, le contemporain capital » paru en novembre 1941 dans le premier numéro du Cahier jaune. Cet article constitue un véritable dithyrambe du Céline pamphlétaire. Qu’en pensez-vous ?

Dès 1936, Denoël défend, avec Apologie de « Mort à crédit », son auteur principal. Et il a continué avec des articles comme « Louis-Ferdinand Céline, le contemporain capital »,  « Comment j’ai connu et lancé Louis-Ferdinand Céline » et diverses interviews. C’est la raison pour laquelle on a pensé que Céline et son éditeur étaient liés par de solides liens d’amitié et une connivence parfaite sur le plan idéologique. Si on y regarde de plus près, on constate que ce n’était pas vraiment le cas. Par ailleurs, les relations entre les deux hommes étaient souvent houleuses, et Denoël a même confié, dans une interview à l’hebdomadaire Marianne, que Céline n’était pas un homme aimable.

On ignore aussi que Denoël partageait certaines critiques à l’encontre de Mort à crédit. Ainsi, René Lalou a fustigé la « monotonie du vocabulaire où les mots orduriers deviennent aussi conventionnels que les "flammes" et les "ondes" des poètes académiques. Monotonie surtout des sentiments » (Les Nouvelles littéraires, 23 mai 1936).   Denoël a précisément essayé de tempérer la violence, la monotonie,  et la noirceur de ce livre, disant à Céline : « Il ne faudrait pas qu’on nous taxât de pornographie… Nous avons acquis des sympathies précieuses. Ne nous les aliénons pas » (Robert Poulet, Entretiens familiers avec Bardamu, p. 53).  Mais à lire son apologie, on peut croire que Denoël était absolument sur la même longueur d’ondes que son auteur.  Et c’est la même chose avec ses autres prises de position en faveur Céline. On y trouve certes une dérive antisémite — et croyez bien que je ne l’excuse pas du tout —, mais le comportement de Denoël est assurément plus complexe. Sous l’Occupation, la plupart des éditeurs se sont séparés sans ménagement de leurs auteurs juifs. Denoël, lui, les aidait et en a même cachés dans sa maison, comme Elsa Kagan-Triolet. Par ailleurs, à cette époque, il a publié des auteurs juifs et/ou communistes (Aragon, par exemple), et il a conservé jusqu’à la fin de sa vie des liens amicaux avec son ex-associé, Bernard Steele, qui était juif. Pour survivre en tant qu’éditeur, Denoël était prêt à beaucoup de concessions, mais il faut se garder d’en tirer des conclusions trop hâtives sur le plan idéologique.

 

Un ami de Denoël, Victor Moremans, a évoqué son courage : « Denoël n’avait peur de rien », a-t-il dit. N’est-ce pas ceci qui lui a valu sa perte ?

En réalité, je crois que Denoël n’ignorait pas la peur. Il craignait avant tout la faillite ou la perte des éditions qu’il avait fondées et auxquelles il était très attaché. Céline et d’autres lui ont vivement conseillé de quitter la France après la Libération. Lui ne voulait pas abandonner la partie, c’est-à-dire sa maison d’édition. C’est elle, en fait, qui lui a valu sa perte.

 

En avril 1945, Denoël entreprend de publier, à l’enseigne des éditions de la Tour, une collection populaire à la gloire de la Résistance française.  Ici encore, pur opportunisme ?

Certes, il y a beaucoup d’opportunisme chez Denoël. À cette époque, la France avait besoin de héros, de la gloire française.  Denoël pensait  qu’il pourrait faire de l’argent avec une telle collection –, et il avait toujours besoin de l’argent.  En outre, si cette collection pouvait contrebalancer les livres favorables à l’occupant qu’il avait édités, c’était pour lui chose utile. Il ne faut pas oublier qu’il était dans l’attente d’un procès pour « atteinte à la sûreté de l’État » en raison notamment de ses publications anti-sémites et du prêt que lui avait fait un éditeur allemand, Wilhelm Andermann. Tout ceci ne signifie pas pour autant que Denoël n’avait pas d’estime pour la Résistance française. Encore une fois, les choses sont complexes...

 

Comment peut-on expliquer, étant donné ses activités d’éditeur sous l’Occupation, qu’en juillet 1945, il bénéficia d’une décision de classement devant la Commission d’épuration ? N’est-ce pas surprenant ?

Pas du tout.  À cette époque, il avait pour maîtresse  Jeanne Loviton. C’était une avocate intelligente qui connaissait beaucoup de personnes influentes. Nul doute qu’elle a agi efficacement à l’époque. Plus tard, elle a même obtenu un jugement selon lequel les éditions Denoël n’avaient rien fait de répréhensible sous l’Occupation ! Et on sait que Céline ne s’est pas privé d’utiliser ce jugement pour sa propre défense.

 

Précisément, Jeanne Loviton était aux côtés de Denoël lors du procès de juillet 1945 à l’issue duquel  il n’a pas été jugé coupable d’intelligence avec l’ennemi. Pensez-vous que l’influence de Jeanne Loviton eût pu être également décisive lors du procès qui devait avoir lieu en décembre 45 ?

En juillet 1945, Jeanne Loviton était la compagne de Robert Denoël. En novembre, quelque chose – j’ignore quoi – est survenu, et les sentiments de Denoël ont apparemment changé. Par ailleurs, il n’est pas douteux que, durant cette période, Jeanne Loviton était également la maîtresse de Paul Valéry, et ce jusqu’à sa mort en juillet 1945. Armand Rozelaar, l’avocat de Cécile Denoël, a, par ailleurs, fourni l’élément suivant : « Dans les derniers jours de novembre, Denoël téléphona à sa femme.  Cette communication fut surprise par la femme de chambre de Mme Denoël, qui pourra éventuellement la confirmer. Denoël déclara à sa femme que tout était changé et la pria d’abandonner, tout au moins momentanément, toute procédure de divorce, ajoutant que sa situation pourrait bien s’arranger sous peu » (Lettre au Juge Gollety, 21 mai 1946)

 

Quel a été, selon vous, le rôle de Gaston Gallimard avant le rachat de la maison Denoël ?

Gallimard était le principal concurrent et même l’adversaire de Denoël. Cette hostilité qui date de l’époque de la parution de L’Hôtel du Nord d’Eugène Dabit (1929) s’est poursuivie jusqu’à la mort de Denoël. Ces deux éditeurs se sont « volé » des auteurs et ne se sont guère ménagés. Le fait que Gallimard ait laissé échapper Céline a également joué un rôle important. On a même dit que Gallimard avait agi en coulisses pour que le Goncourt soit attribué à Mazeline (édité par lui) plutôt qu’à Céline (édité par son concurrent). Tout cela a donné lieu à un fameux scandale qui a profité, sur le plan commercial, à Céline et à son éditeur. En une année, plus de 100.000 exemplaires du Voyage furent vendus. Ce succès énorme a naturellement exacerbé la rivalité entre les deux éditeurs. Sous l’Occupation, la politique éditoriale de Gallimard ne fut pas neutre puisqu’il publia des livres fascistes et antisémites et qu’il confia les rênes de La Nouvelle Revue Française à Pierre Drieu La Rochelle très engagé, comme on sait, dans la collaboration. Par ailleurs, Gaston Gallimard lui-même accepta de se rendre à des réceptions organisées par l’Institut allemand. Avant son procès, Denoël affirmait que si on l’accusait de « collaboration », il allait alors montrer celle de ses confrères, et surtout celle de Gallimard. La nuit de son assassinat, le 2 décembre 1945, le dossier de sa défense disparut à jamais, en même temps que la copie qu’il en avait faite et cachée. Dans le troisième Rapport de la Préfecture de Police (25 mai 1950), il est avancé que le dossier de Denoël pourrait être la cause, ou l’une des causes, du crime.

 

Vous avez eu accès au dossier de police concernant son assassinat : quelle conclusion en avez-vous tirée ?

Quatre conclusions, en fait : 1) L’assassinat de Denoël n’était certainement pas un crime crapuleux ; 2) Une grande partie de l’élucidation de ce crime se trouve dans ce dossier ; 3) Les coupables ont été protégés par des scellés, et par des personnes très  importantes dans le gouvernement français ; 3) Il y avait vraiment des intouchables en France ; 4) On n’a pas simplement tué Denoël, on a aussi volé sa maison d’édition.

 

Et quelle conclusion tirez-vous de la manière dont la justice française s'est occupée de l'enquête ?

Ce qui est arrivé est l’une des conséquences directes de l’Occupation. Durant cette période, le pouvoir judiciaire français est devenu assujeti aux Allemands et à Vichy.  On pensait qu’après la Libération, le pouvoir judiciaire recouvrerait son indépendance. Ce n’est pas vraiment ce qui s’est produit.

 

Dans la version officielle de l’assassinat de Denoël, on dit qu’il se trouvait devant le Ministère du Travail la nuit du 2 décembre 1945 parce qu’il avait un pneu crevé. Est-ce donc par hasard qu’il se trouvait là où on l’a tué ?

C’est un exemple de ce que l’on trouve partout dans le dossier.  Madame Loviton raconte l’histoire du pneu crevé aux policiers.  Cette histoire devrait être facile à vérifier.  Mais où est ce pneu ?  Nulle part.  Personne (sauf Loviton) ne se souvenait d’un pneu crevé — ni la nuit du crime, ni après.  Les policiers qui ont emmené la voiture à la fourrière ne se sont pas souvenus d’un pneu crevé.  Personne n’a changé de pneu.  On dit que les policiers ont conduit la voiture au poste de police.  Comment a-t-on fait cela avec un pneu crevé ? Autant de questions que l’on peut se poser...

Même chose avec les clés de Denoël.  Les policiers ne les ont pas trouvées. Tout le monde (sauf Loviton) a dit que Denoël avait beaucoup de clés.  Loviton affirme qu’il n’en avait pas –, et on la croit.  Selon Loviton, il n’avait pas de papiers non plus et pas d’argent.  Dès le début de l’enquête, on s’aperçoit que les affirmations de Mme Loviton ne sont jamais mises en doute, et par conséquent, jamais vérifiées.

 

 

Vous avez publié tous les noms de personnes liées à cet assassinat : n'y avait-il donc aucun risque à le faire aux États-Unis ?

Aux États-Unis, un auteur peut écrire sur n’importe qui et si cette personne est décédée, personne ne peut menacer l’écrivain d’un procès. Il en va bien différemment en France.

 

En décembre 1948, Cécile Denoël a obtenu un jugement condamnant Jeanne Loviton à la restitution des parts de la société Denoël. Sur quoi se basait le tribunal pour ordonner cette restitution ?

Le 28 décembre 1948, le Tribunal de Commerce a estimé que les données indiquées par Jeanne Loviton étaient inexactes, notamment la date des cessions des parts. En fait, les dossiers officiels et la comptabilité des Éditions Domat-Montchrestien (de Mme Loviton) s’avéraient difficiles à vérifier. Le juge a, par ailleurs, établi que Robert Denoël n’était pas du tout  la personne désargentée que Mme Loviton a décrite. Il a annulé la « pseudo cession » [sic] des parts dont elle se prévalait depuis quatre ans pour diriger solidairement les Éditions Denoël avec les   Éditions Domat-Montcrestien. Jeanne Loviton a également été tenue de verser 500.000 francs de dommages et intérêts au fils de Robert Denoël. Toutes ces décisions furent remises en question par la Cour d’appel.

 

Qu’est-ce qui déclencha, en décembre 1949, une nouvelle information du Parquet dans l’affaire de l’assassinat de Robert Denoël ?  La simple demande de Cécile Denoël était-elle suffisante pour ouvrir une nouvelle information ? Y avait-il des éléments nouveaux dont elle pouvait se prévaloir ?

Selon le dossier, Cécile Denoël avait convaincu le Procureur général, Antonin Besson, que tous les éléments du dossier n’avaient pas été suffisamment pris en compte. J’ignore évidemment ce qui a pu se tramer en coulisses. En revanche, je puis affirmer ceci : il ne faut pas plus de quinze minutes de lecture du dossier pour un avocat, et surtout pour un procureur général, pour se rendre compte des contradictions et contrevérités qui s’y trouvent. Il y aussi beaucoup de versions successives et contradictoires de la part des témoins.

 

En 1950, la presse française a consacré de nombreux articles mettant en cause le témoignage de Jeanne Loviton dans l’affaire du meurtre de Denoël. Avez-vous eu connaissance de ces articles ? Si c’est le cas, que faut-il en penser ? La presse de l’époque fait-elle un rapprochement avec l’enregistrement au tribunal de commerce de la Seine, le 8 décembre 1945, de la cession de toutes les parts de Denoël en faveur de Jeanne Loviton ?

Bien entendu, j’ai lu tous ces articles.  Un des plus notables est celui d’Abel Manouvriez titré « La volonté du mort » et publié le 18 novembre 1949 dans Paroles françaises. Henri Thyssens l’évoque dans son article « Un cinquantenaire oublié »(accessible sur votre site Internet). Les journaux du temps prenaient position pour l’une ou l’autre des parties, en l’occurrence les deux dames : Cécile Denoël et Jeanne Loviton. Un autre article a paru dans Combat (3-4 décembre 1949) sous le titre « Un secret bien gardé » : il évoque l’influence de Jeanne Loviton dans le milieu judiciaire. Citation d’un juge consulaire rapporté dans cet article : « Jamais nous n’avons reçu tant de sollicitations et des plus diverses. » Durant la période du 13 au 20 janvier 1950, quand l’affaire fut à nouveau sous les feux de l’actualité judiciaire, presque chaque journal de la capitale commentait les positions des deux parties.

En ce qui concerne la cession des parts à Loviton, c’est essentiellement un article de Robert Dabois (Express-Dimanche, 30 avril 1950) qui l’a évoquée. Ce journaliste relève la décision de décembre 1948 et observe qu’il est étonnant que « le Parquet n’ait pas encore pris position dans cette affaire  ».

 

On a également parlé d’interventions exercées par le couple Bidault auprès des magistrats pour ce qui concerne les parts cédées à Loviton. Qu’en est-il exactement ?

 Georges et Suzanne Bidault étaient, dit-on, des amis de Jeanne Loviton.   La nuit de l’assassinat, Jeanne Loviton a téléphoné à Yvonne Dornès, amie proche de Suzanne Bidault et fille de Pierre Dornès, conseiller et maître de requêtes à la Cour des comptes. Cette personne avait des amis très haut placés, et aussi de l’influence à la Préfecture de Police de Paris.  Yvonne Dornès était également co-propriétaire des Éditions Domat-Montchrestien, fondées en 1929 (Denoël lui-même avait investi dans ces éditions et y a amené certains écrivains de renom). On relève souvent dans la presse de l’époque des allusions à l’influence des Bidault, mais sans les nommer directement. On évoque aussi l’influence de Germain Martin, ancien Ministre des Finances et ami personnel de Jeanne Loviton. Après la décision de non-lieu prononcée par Antonin Besson, procureur général de la République, les commentateurs favorables à Cécile Denoël font des allusions à l’intervention des Bidault, mais, encore une fois, sans les nommer précisément. On signale aussi la présence de Mlle Suzanne Pages du Port à l’hôpital Necker (où l’on avait transporté le corps de Denoël) dans la nuit de l’assassinat. Cette amie de Jeanne Loviton avait été pressentie par Denoël pour diriger officiellement les Éditions de la Tour après le départ de Maurice Bruyneel. Elle avait beaucoup d’influence dans la police, surtout auprès du Préfet de Police. On voit donc que, dès le début de l’enquête, Jeanne Loviton peut compter sur l’appui de personnes importantes.

 

Quelles sont, à votre avis, les découvertes qu'il y a encore à faire sur ce sujet ? Et quelles sont les archives auxquelles le chercheur ne peut avoir actuellement accès ?

À vrai dire, je crois qu’il y a encore des choses à tirer de ce dossier. Par ailleurs, au début de mes recherches, j’ai lu qu’il y avait un deuxième dossier secret de Denoël.  J’ai d’abord pensé que c’était faux.  Aujourd’hui, j’ai de bonnes raisons de penser que c’est vrai, et il n’est pas impossible qu’il existe toujours. À la fin de sa biographie de Gaston Gallimard, Pierre Assouline évoque des archives de cet éditeur auxquels il n’a pas pu avoir accès.  Gallimard a-t-il détruit ces archives ? Existent-elles toujours ? Assouline raconte que Gallimard ne parlait jamais de l’Occupation.  Pourquoi ? Il y a encore beaucoup de papiers juridiques à étudier de plus près. Le rôle occulte du parti communiste français entre 1945-1950 demeure largement méconnu. Quels documents liés à l’histoire de Denoël reste-t-il ? Peut-on étudier les documents des avocats français décédés ?  Je l’ignore.  Mais si on peut le faire, il y en a cinq au moins dans cette affaire dont on doit étudier les archives.  C’est capital.  Et aussi les documents privés de deux ou trois personnalités importantes du gouvernement de l’époque.

 

Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontée lors de la rédaction de ce livre ?

Ce que j’ai trouvé surprenant, c’est que ce crime connaît encore des prolongements aujourd’hui.  C’est incroyable, mais vrai.  D’abord des coupables, et puis leurs  héritiers et leurs parents, ont mis en garde chaque chercheur qui tentait de trouver la vérité à ce sujet. Ce qui est arrivé à l’archiviste évoqué plus haut est grave ; je ne peux malheureusement en dire davantage.

D’autres chercheurs ont également eu des ennuis. Moi-même, j’ai aussi fait l’objet de pressions. Et les réponses les plus fréquentes qui m’ont été adressées étaient : « “NON !” ; “Qui êtes-vous ?” et “Vous n’avez pas le droit” ».

 

Quelle a été la réception critique de votre ouvrage aux États-Unis ?

En Amérique, j’ai eu deux très bonnes critiques : une critique qui appréciait mon travail, et l’autre qui n’appréciait pas du tout le fait que, dans cette histoire, je donne la parole à la chercheuse.  Et ce qui est arrivé à mon éditeur est, selon moi, assez étrange.  Peu avant la parution de mon livre, on a laissé entendre que Von Holtzbrinck (propriétaire de ma maison d’édition) avait peut-être collaboré pendant la Deuxième guerre mondiale. En revanche, la presse n’a pas commenté mes conclusions ni évoqué l’attitude des éditions Gallimard sous l’Occupation.

Par ailleurs, mon éditeur a revu nettement à la baisse le tirage initialement prévu de mon livre et n’a consenti aucune publicité pour celui-ci. Hormis par Internet, il est difficile de se le procurer aujourd’hui.

La plupart des Américains qui ont lu mon livre ont été passionnés par cette histoire. Comme je l’espérais, beaucoup ont été amenés à se demander : « Qu’aurais-je fait à la place de Denoël ? »  Mais presque personne en Amérique ne connaît le nom de cet éditeur. Et sans publicité, le livre ne peut rencontrer le public auquel il est destiné.

 

Quels sont les obstacles éventuels à une édition française ?

On a acheté les droits pour faire publier une édition de ce livre en France.  On l’a traduit en français. Puis, les avocats s’en sont mêlés. Conclusion : le projet d’édition française du livre a été suspendu. J’ai aussi découvert que la liste des personnes qui peuvent intimider un chercheur en France est bien longue.

 

Avez-vous découvert d'autres éléments après la publication de votre livre ?

Oui, il y en a beaucoup.  À vrai dire, je ne souhaite pas abandonner mes recherches.  Deux choses m’apparaissent capitales : 1) L’enfance de Jeanne Loviton, telle qu’elle est racontée ici et là, n’est pas du tout conforme à la réalité ; 2) Bernard Steele est une personnalité plus importante qu’on ne le croyait.

 

Vous écrivez que le  meurtre de  Robert Denoël est l’un des plus importants de cette époque. Pourquoi ?

Je ne dis pas cela parce que l’on a tué un homme qui comptait dans l’édition française contemporaine, mais parce que cet assassinat, et l’enquête qui a suivie, est révélatrice de ce qui est arrivé à l’appareil judiciaire français suite à l’Occupation. Les Allemands et Vichy sont souvent intervenus dans les procès. Ceci a affaibli le rôle des juges, surtout celui du juge d’instruction qui était tout à fait indépendant avant la guerre. Bref, le pouvoir exécutif a pris le pas sur le pouvoir judiciaire. On était en droit de penser que ceci allait changer après la guerre. Or, divers historiens et même des juges suggèrent que de Gaulle et Bidault sont eux-mêmes intervenus de temps à autre dans des procès. Et des personnes influentes au sein du gouvernement étaient devenues intouchables. Leur bonne foi avait valeur de dogme, y compris dans le cas d’affaires liées à un meurtre.

 

Quid de cette affaire aujourd’hui ?

Pendant des décennies,  le dossier Denoël a été mis sous scellés, à l’instar du dossier de l’assassinat de John F. Kennedy qui l’est maintenant aussi aux États-Unis. Dans les deux cas, on doit se demander pourquoi.  Pour protéger les innocents ?  Pour des raisons de sécurité nationale  ?  Ou pour protéger les coupables ?  À ma connaissance, on a menacé de procès en diffamation chaque historien et chaque chercheur qui a essayé d’étudier le cas de Denoël, et il y en eut quelques-uns.   Et presque toujours lorsqu’on met un dossier sous scellés, les papiers les plus importants ont tendance à disparaître.  C’est vrai pour beaucoup de papiers concernant l’Occupation de la France… et cela va  certainement être vrai dans le cas de l’assassinat de Kennedy (où on a, d’ailleurs, déjà « perdu » pas mal d’éléments). Dire la vérité en histoire, c’est fondamental, surtout pour les nations libres. S’il est vrai qu’il y a beaucoup de faits dans l’histoire de la France et des États-Unis qui sont condamnables, je pense qu’il importe de les dénoncer afin que cela ne se répète plus.

Propos recueillis par Marc Laudelout

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A. Louise Staman. With the Stroke of a Pen (A Story of Ambition, Greed, Infidelity and the Murder of French Publisher Robert Denoël), St. Martin’s Press [New York], 2002, 354 pages.

 

Disponible auprès de la Librairie La Sirène, 14 rue du Pont, B 4000 Liège, Belgique. Tél. 04/222.90.47. Courriel : sirene@easynet.be.  Prix : 25 €, franco. Règlement par chèque bancaire ou postal à l’ordre de Henri Thyssens.

mardi, 01 septembre 2009

Der Zweite Weltkrieg hatte viele Väter

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Der Zweite Weltkrieg hatte viele Väter

Die Kriegsursachen waren komplexer, als es die gängige Schwarzweißmalerei erscheinen lässt

Ex: http://www.ostpreussen.de

Wir nähern uns dem 1. September und damit einem für unser Volk sehr bedeutsamen Tag, dem 70. Jahrestag des Kriegsbeginns. Jedem Deutschen ist dieses Datum durch Schulbücher, eine umfangreiche Geschichtsliteratur sowie durch Film- und Fernsehproduktionen ein Begriff. Das Bild, das sich dabei in den Jahrzehnten dieser Geschichtspräsentationen in unseren Köpfen festgesetzt hat, ist so eingängig und „schwarz-weiß“ wie es verzerrt ist und in Teilen falsch.

Dieses Bild zeigt ein Deutschland, das 1939 über Polen herfällt, eine Sowjet­union, die sich die Hälfte Polens raubt, und ein Polen, das dabei nur Opfer ist. Was diese Darstellungen der Geschichte in aller Regel auslassen, sind die Gründe, die zur Kriegseröffnung führten, die sich fast ein Jahr hinziehenden Bemühungen der damaligen deutschen Regierung, die deutsch-polnischen Probleme auf dem Kompromisswege zu lösen, sowie die intensiven und frühen Kriegsvorbereitungen auch in Polen.

Der Vertrag von Versailles hatte dem Deutschen Reich und Polen drei Problembereiche hinterlassen. Zum ersten wurde die zu 97 Prozent deutsch bewohnte Hansestadt Danzig von Deutschland abgetrennt und zur teilsouveränen Republik „Freie Stadt Danzig“ erklärt. Damit wurde sie zu einem eigenen Staat gemacht. Die Hypothek, die die Sieger den Danzigern dabei mitgegeben hatten, bestand darin, dass sie der Republik Polen besondere Zoll-, Post-, Bahn- und Handelsrechte in Danzig eingeräumt sowie die außenpolitische Vertretung Danzigs übertragen hatten. Ansonsten stand die Freie Stadt unter dem Protektorat des Völkerbunds, also der Siegermächte selbst.

Die Republik Polen begann alsbald, eine Vielzahl von Behörden im Freistaat einzurichten. Die Mischung polnischer und Danziger Behörden in den Bereichen Post, Bahn, Zoll und Wasserstraßen erzeugte ein endloses Kompetenzgerangel. Als der Staat Polen in den Folgejahren versuchte, sich Danzig in einer Serie vieler kleiner Schritte einzuverleiben und den Hohen Kommissar des Völkerbundes mit immer neuen Forderungen bombardierte, um den in Versailles erhobenen Anspruch auf Danzig doch noch durchzusetzen, erwies sich, dass dieses Konstrukt eines selbständigen Kleinstaats mit vielen ihm entzogenen Hoheitsrechten auf Dauer so nicht lebensfähig war.

Polen musste sich in den 20er Jahren wiederholte Male vom Völkerbund belehren lassen, dass es keine Oberherrschaft über Danzig auszuüben habe. Der Rat des Völkerbunds in Genf musste sich bis 1933 106mal mit Streitfällen zwischen Polen und der Freien Stadt befassen. Die Streitigkeiten zwischen Danzig und der Republik Polen nahmen bis zum Kriegsbeginn kein Ende.

Das zweite Faktum war, dass der größte Teil Westpreußens mit immerhin 70 Prozent deutscher Bevölkerung und der Provinz Posen mit noch 38 Prozent Deutschen sowie ein Teil Oberschlesiens von Deutschland abgetrennt und Polen zugesprochen worden waren. Damit waren rund zwei Millionen deutsche Bürger gegen ihren Willen polnische Staatsbürger geworden.
Als 1938 erst Österreich und dann die Sudetengebiete mit dem Deutschen Reich vereinigt wurden, stieg die Angst der Polen, Deutschland könnte auch von ihnen Land und Menschen aus dem Bestand des alten Deutschen Reichs zurückverlangen. Die Feindschaft der Polen gegen ihre deutsche Minderheit nahm wieder einmal scharfe Formen an. Terrorakte gegen Deutsche, die Zerstörung deutscher Geschäfte, die Schließung deutscher Firmen und die Brandstiftungen an deutschen Bauernhöfen nahmen 1939 ständig zu. Die Lage wurde unerträglich. Im Sommer 1939 schwoll die Zahl der Volksdeutschen, die dem entkommen und Polen „illegal“ verlassen wollten, ständig an. Bis Mitte August waren über 76000 Menschen ins Reich geflohen und 18000 zusätzlich ins Danziger Gebiet. Die Berichte über den Umgang der Polen mit ihrer deutschen Minderheit und die Schilderungen der Geflohenen waren Öl aufs Feuer des deutsch-polnischen Verhältnisses in den letzten Wochen und Tagen vor dem Kriegsausbruch.

Die dritte deutsch-polnische Belastung ergab sich ebenfalls aus der erzwungenen Abtretung Westpreußens an Polen. Damit entstand ein polnischer Landstreifen zwischen dem Kern des Deutschen Reichs und der von nun an von Deutschland abgetrennten Provinz Ostpreußen. Es entstand der „polnische Korridor“. Auf diese Weise hingen Ostpreußens Wirtschaft und besonders seine Energieversorgung auf einmal von den Verkehrswegen durch nun polnisches Gebiet ab. 1920 war dazu vertraglich festgelegt worden, dass die Verkehrsverbindungen nach Ostpreußen für Personen, Waren und vor allem Steinkohle aus Oberschlesien über acht Eisenbahnstrecken durch Polen laufen sollten, und dass die Transitgebühren dafür in Zloty zu entrichten wären. Während und nach der Weltwirtschaftskrise nahm Deutschland im Außenhandel jedoch nicht mehr genug Zloty ein. Um die Gebühren zu entrichten, überwiesen die deutschen Behörden die an Zloty fehlenden Beträge monatlich in Reichsmark. Doch Polen sah darin einen Vertragsbruch, was es streng nach dem Vertragstext ja auch war, und schloss zur Strafe ab 1936 eine Bahnverbindung nach der anderen. 67 Prozent der Eisenbahntransporte jedoch dienten der Energieversorgung Ostpreußens. Sie fuhren Kohle aus Oberschlesien für Industrie, Gewerbe, den Hausbrand und die Stromerzeugung in die abgeschnittene Provinz. Schließlich drohte die polnische Seite damit, bei weiterhin unvollständigen Zloty-Überweisungen auch die letzten Strecken zwischen Ostpreußen und dem Reichsgebiet zu schließen. Damit wäre Ostpreußen von seiner Energieversorgung abgeschnitten und dem wirtschaftlichen Ruin preisgegeben worden. So kam im Reichswirtschaftsministerium die Idee auf, mit den Polen statt über Zloty-Zahlungen über exterritoriale Verkehrsverbindungen von Pommern nach Ostpreußen in deutscher Hoheit und Regie zu sprechen.

Mit den drei Problemen, der Gründung eines eigenen Staates Danzig, mit der Zwangsunterstellung von zwei Millionen Deutschen unter Polens Herrschaft und mit der territorialen Abtrennung des Landesteiles Ostpreußen vom deutschen Kernland hatten die Siegermächte in Versailles so viel Konfliktstoff für Deutschland und für Polen aufgetürmt, dass ein gedeihliches Nebeneinander der zwei Nachbarstaaten ohne spätere Korrekturen fast ausgeschlossen war.

Nachdem Adolf Hitler Warschau im September 1938 im Streit mit Prag um das Gebiet von Teschen unterstützt hatte, sah er den Zeitpunkt als günstig für eine deutsch-polnische Verständigung an. Er ließ Verhandlungen mit Polen um Danzig, die Transitwege durch den Korridor und die Einhaltung der Minderheitenrechte der Deutschen in Polen eröffnen. Sein erstes Angebot: die Anerkennung der polnischen Gebietserwerbungen seit 1918 und die Verlängerung des deutsch-polnischen Freundschaftsvertrages von zehn auf 25 Jahre. Im Januar 1939 legte Hitler noch einmal nach. Er schlug vor: „Danzig kommt politisch zur deutschen Gemeinschaft und bleibt wirtschaftlich bei Polen.“

Am 14. März 1939 beging Hitler seinen großen Fehler. Er erklärte die Tschechei entgegen früher gegebenen Versprechen zum deutschen Protektorat und ließ sie besetzen. Nun brauchten die Briten Verbündete gegen Deutschland. Sie boten Polen einen Beistands­pakt an. Polen schloss Ende März 1939 einen Vertrag mit England, machte seine Truppen teilweise mobil und verdoppelte seine Truppenstärke, stellte sieben Armeestäbe auf und ließ Truppen in Richtung Ostpreußen aufmarschieren. Das alles im März 1939.

Hitler reagierte. Er gab am 3. April 1939 der Wehrmacht erstmals den Befehl, einen Angriff gegen Polen vorzubereiten.
Nun herrschte Eiszeit zwischen Deutschland und Polen. Die polnische Regierung erklärte, der Status der Freien Stadt Danzig beruhe ja nicht auf dem Vertrag von Versailles, sondern auf der jahrhundertelangen Zugehörigkeit Danzigs zu Polen, und Posen und Westpreußen gehörten de jure und de facto längst zu Polen. Die angebotene deutsche Anerkennung sei keine Gegenleistung.

Hitler bat danach die englische Regierung, für Deutschland bei den Polen zu vermitteln. Am 30. August 1939 machte Hitler Polen einen 16-Punkte-Vorschlag. Er schlug als wesentliche Punkte vor: „Die Bevölkerung im Korridor soll in einer Volksabstimmung unter internationaler Kontrolle selbst entscheiden, ob sie zu Polen oder zu Deutschland gehören will. Der Wahlverlierer bekommt exterritoriale Verkehrswege durch den Korridor. Bleibt der Korridor bei Polen, erhält Deutschland exterritoriale Verkehrswege nach Ostpreußen; geht der Korridor an Deutschland, bekommen die Polen exterritoriale Verkehrswege zu ihrem Hafen an der Ostsee, nach Gdingen.“ Und – auch das gehört zum Vorschlag – „der Hafen und die Stadt Gdingen bleiben unabhängig vom Wahlausgang bei Polen, damit Polen einen Ostseehafen hat. Und Polen behält außerdem seine Handelsprivilegien in Danzig.“ Das war der letzte deutsche Vorschlag vor dem Krieg.

Es bleibt noch nachzutragen, dass Polen seinen Kriegsaufmarsch mit der Mobilmachung am 23. März 1939 eingeleitet hatte, während die ersten neun deutschen Heeresdivisionen erst drei Monate danach, am 26. Juni 1939 an die deutsch-polnischen Grenzen verlegt worden waren. Soweit zum deutschen „Überfall“ auf Polen.

Wenn Polen Hitlers Kompromissvorschlag vom Januar 1939, „Danzig kommt politisch zur deutschen Gemeinschaft und bleibt wirtschaftlich bei Polen“, akzeptiert hätte, hätten sich wahrscheinlich auch die andern zwei deutschen Differenzen mit Polen überwinden lassen. Dann wäre Europa der furchtbare Zweite Weltkrieg vielleicht erspart geblieben. 
 Gerd Schultze-Rhonhof

Der Autor dieses Beitrages ist Verfasser des Buches „1939 – Der Krieg, der viele Väter hatte – Der lange Anlauf zum Zweiten Weltkrieg“, 6., verbesserte und erweiterte Auflage, Olzog, München 2007 gebunden, 608 Seiten.

von Gerd Schultze-Rhonhof

Veröffentlicht am 28.08.2009

dimanche, 30 août 2009

Short note on the Pacts of August 1939

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Short note on the Pacts of August 1939

(The Pact of Mutual Help between UK  and  Poland

and the Molotov-Ribbentrop Pact)

Tiberio Graziani *

Considering the alliances signed by the insular Great Britain in the frame of their secular anti-European power politics, finalized at containing and defeating the aims of friendship and / or integration among the nations of the European Continent, it is worth mentioning - as an illustrative example - the Pact of  Mutual Help between the UK and Poland, signed in London on 25 August 1939.

As known, the Anglo-Polish Friendship Treaty, signed by Lord Halifax and Count Rczynski, was a deliberate violation (1) of the similar Treaty that Germany and Poland had signed on 26 January 1934, and, above all, an explicit interference in the delicate relations between the National Socialist Reich and USSR; Berlin and Moscow, in fact, just two days earlier, on 23 August, had signed a non-aggression treaty, known to history as the Molotov-Ribbentrop Pact, named after their respective foreign ministers.

 

In this case, the United Kingdom intended  to use - as part of a diplomatic-military device, theoretically equal, -  the strategic position of Poland as a "splitter" between two continental powers in order to affect, simultaneously, both the creation of a potential axis Moscow -Berlin and the German-Polish agreements, and thereby removing any future potential perspective of welding / integration between the European Peninsula and the Asian continental mass.

The disturbing action devised by London, through a fine texture of diplomatic activities, which U.S. were involved (2), was perfectly consistent with British geopolitical doctrine, whose exploitation of the tensions between the continental nations constituted a key pillar of  its equilibrium policy (balance of power).

 

 

1. Some months before, on 19 May 1939, a Mutual Help Agreement between France and Poland (probably on U.S. and U.K. request) was signed in Paris by Polish ambassador Juliusz Lukasiewicz  and French Minister of Foreign Affairs, Georges Bonnet. For Berlin, and under some aspects for Moscow too, the  two Mutual Help Agreement constituted a sort of threat for the continental peace.

 

2.  We refer to meetings among U.S. Ambassador William Christian Bullitt, Jr. and the Polish Ambassadors Potocki and Lukasiewicz, which occurred in France in November 1938 and February 1939;  see  Giselher Wirsing, Roosevelt et l'Europe (Der Kontinent Masslose), Grasset, Paris, 1942, p. 266.

 

 

* Eurasia. Rivista di studi geopolitici (Eurasia. Journal of Geopolitical Studies – Italy)

www.eurasia-rivista.org

direzione@eurasia-rivista.org

 

mardi, 11 août 2009

Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941

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Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941

 

Beaucoup plus important avant la guerre et dans l'immédiat après- guerre que dans les années 50, 60 et 70, le PCB, aujourd'hui disparu, qui n'a plus ni journaux ni parlementaires, était, comme son «grand frère» français, totalement inféodé à la politique de Moscou. C'était Bereï, délégué à Bruxelles de l'URSS, qui commandait, qui décidait, qui dictait les lignes de conduite. Dès la signature du pacte Ribbentrop-Molotov d'août 1939, l'anti-nazisme est mis au placard. De l'Allemagne, les militants journalistes ne disent plus ni du bien ni du mal. Le Professeur Jacques Willequet a repéré, dans son livre (1), toutes les tirades en faveur du bloc germano-russe qu'ont publiées les organes communistes La Voix du Peuple, Uilenspiegel, Clarté, Espoir, Temps Nouveaux, Jeunesse Nouvelle, Drapeau Rouge, Liberté, De Strijd, Het Vlaamsche Volk. «Commencer la guerre pour anéantir l'hitlérisme, c'est accepter une politique de sottise criminelle» (Het Vlaamsche Volk, 14 oct. 39). Les alertes de novembre 39 et de janvier 40, où les Allemands testent les capacités de l'armée belge et de sa DCA, sont qualifiées «d'invention des services secrets britanniques». La Finlande, qui résiste héroïquement aux armées de Staline pendant l'hiver 39-40, est la «patrie des gardes blancs» et sa défaite, une victoire du prolétariat. Les journaux communistes accueillent la victoire allemande de mai-juin 1940 comme une délivrance. Le député communiste liégeois Julien Lahaut circule dans le sud de la France, dans une grosse voiture prêtée par les services allemands, pour récupérer les Belges dispersés par l'exode ou internés dans les camps français, après avoir été arrêtés par la Sûreté du Royaume (parmi eux: anarchistes, communistes, rexistes et nationalistes flamands, ces derniers étant largement majoritaires). A ceux qui l'écoutent, Julien Lahaut déclare, d'après Léon Degrelle, lui-même détenu, et selon l'historien officiel de l'Ecole Royale Militaire, Henri Bernard: «Le national-socialisme réalise toutes nos aspirations démocratiques» (dans un discours prononcé à Villeneuve-sur-Lot, fin juin 40). Le journal La Voix du Peuple, organe des communistes bruxellois, ressuscite dès le lendemain de la prise de Bruxelles, mais est interdit le 23 juin; à Anvers, Uilenspiegel paraît dès le 2 juin 1940 et ne disparaît que le 1er mars 1941. La spécialité des jounraux communistes, fidèles aux clauses du pacte germano-soviétique, sera de fulminer contre les Anglais. Le gouvernement exilé en Angleterre est un ramassis de «laquais de la Cité de Londres et des 200 familles», qui, de srucroît, «ont souillé le blason du Roi» (ce qui, sous la plume d'un militant communiste, est assez étonnant, puisque les communistes s'opposeront avec la dernière énergie au retour du monarque après 1945 et que Julien Lahaut criera «Vive la République!», au moment de la prestation de serment de Baudouin 1er; Lahaut sera mystérieusement assassiné par des inconnus, sur le pas de sa porte, quelques semaines plus tard...). Le 16 juin 1940, Uilenspiegel se félicite de l'entrée des troupes de Mussolini dans les Alpes françaises: «cela hâtera la débâcle des impérialistes». Le même journal, le 21 juillet 40, applaudit aux propositions de paix de Hitler, en concluant: «Plus vite les boutefeux occidentaux seront battus, mieux cela vaudra». En septembre 1940, La Vérité se félicite du fait que l'URSS ait supprimé «ce foyer de guerre né de Versailles qu'était la Pologne des seigneurs»; et il ajoute: «Les fauteurs de guerre anglo-français et leurs valets, les chefs de la social-démocratie, rejetèrent dédaigneusement les propositions allemandes appuyées à l'époque par l'URSS». Le 15 janvier 1941, Clarté insulte les troupes belges recrutées à Londres: c'est une «Légion Etrangère» destinée à servir «les magnats britanniques auxquels [le gouvernement Spaak-Pierlot de Londres] a déjà livré le Congo» (et voilà les communistes défendant le colonialisme belge, pourtant ultra-capitaliste dans ses pratiques!). Liberté et Drapeau Rouge se félicitent de la révolte anti-britannique de Rachid Ali en Irak, des mouvements indépendantistes indiens qui sabotent le recrutement de troupes aux Indes, de la disparition de la Yougoslavie, et de l'occupation de la Grèce (qui avait eu le tort d'abriter des troupes britanniques «menaçant l'URSS»!) (éditions de mai 1941).

 

Mais ces vigoureuses tirades pro-allemandes et anti-britanniques se feront moins enthousiastes pour plusieurs motifs: 1) les autorités d'occupation sont conservatrices et refusent toutes concessions d'ordre social; 2) les Allemands se servent des stocks belges de vivres et de matières premières, accentuant la précarité dans les couches les plus pauvres de la population; 3) les divergences entre Allemands et Soviétiques se font sentir; ce qui conduit certains chefs communistes à suivre les mots d'ordre consignés dans un article prémonitoire, paru avant mai 40, de Temps Nouveaux (n°2, 1940), où on lit: «Ce qu'il faut souhaiter, c'est une paix juste et durable, par un accord entre les deux plus fortes puissances du globe: les Etats-Unis et l'URSS». Finalement, la presse communiste affirmera que «l'avenir n'appartient ni à Hitler ni à Churchill». Ou, comme l'exprime un titre sans ambigüité de Liberté (14 avril 41): «Churchill ou Hitler? Les travailleurs ne choisissent pas entre la peste et le choléra»; 4) Les communistes, tout comme les socialistes de l'UTMI, sont furieux de voir que les Allemands donnent les postes-clef aux militants des partis autoritaires de droite, Nationalistes flamands du VNV et Rexistes de Degrelle. Les Rouges se sentent floués.

 

Le 22 juin 1941, le pacte germano-soviétique a vécu. Les communistes poursuivront dès lors les mots d'ordre parus dans Temps Nouveaux: alliance avec Roosevelt et Staline, contre les vieilles puissances européennes.

 

Raoul FOLCREY.

   

 

lundi, 10 août 2009

La gauche et la collaboration en Belgique: De Man, les syndicats et le Front du Travail

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De Man (debout) avec Emile Vandervelde avant la guerre

La gauche et la collaboration en Belgique

De Man, les syndicats et le Front du Travail

 

par Raoul FOLCREY

 

 

La collaboration de gauche en Belgique? Elle prend son envol avec le manifeste que Henri De Man, chef de file du Parti Ouvrier Belge (POB), publie et diffuse dès le 28 juin 1940. De Man (1885-1953) a été agitateur socialiste dès l'âge de 17 ans, polyglotte, correspondant en Belgique de la social-démocratie allemande et des travaillistes britanniques avant 1914, volontaire de guerre, diplomate au service du Roi Albert 1er, professeur à Francfort avant le nazisme, initiateur du mouvement planiste en Europe dans les années 30, ministre, président du POB; avec une telle biographie, il a été sans conteste l'une des figures les plus marquantes du socialisme marxiste européen. Hérétique du marxisme, sa vision du socialisme n'est pas matérialiste, elle repose sur les mobiles psychologiques des masses frustrées, aspirant à la dignité. Le socialisme, dans ce sens, est une formidable revendication d'ordre éthique. Ascète, sportif, De Man, issu de la bonne bourgeoisie anversoise, n'a jamais aimé le luxe. Le socialisme, déduit-il de cette option personnelle, ne doit pas embourgeoiser les masses mais leur apporter le nécessaire et les rendre spartiates.

 

Avec son fameux Plan du Travail de Noël 1933, De Man donne au socialisme une impulsion volontariste et morale qui séduira les masses, les détournera du communisme et du fascisme. Les intellectuels contestataires français, ceux que Loubet del Bayle a nommé les «non-conformistes des années 30», s'enthousiasmeront pour le Plan et pour ses implications éthiques. Pour l'équipe d'Esprit (regroupée autour d'Emmanuel Mounier), d'Ordre Nouveau (Robert Aron et A. Dandieu), de Lutte des Jeunes (Bertrand de Jouvenel), de l'Homme Nouveau (Roditi), De Man devient une sorte de prophète. Côté socialiste, en France, ce sera surtout le groupe «Révolution Constructive» (avec Georges Lefranc, Robert Marjolin, etc.) qui se fera la caisse de résonnance des idées de Henri De Man. Pierre Ganivet, alias Achille Dauphin-Meunier, adopte également le planisme demanien dans sa revue syndicaliste révolutionnaire L'Homme réel. Au sein du parti, Léon Blum craint le Plan du Travail:

- parce qu'il risque de diviser le parti;

- parce qu'il implique une économie mixte et tend à préserver voire à consolider le secteur libre de l'économie;

- parce qu'il crée une sorte de «régime intermédiaire» entre le capitalisme et le socialisme;

- parce que la critique du parlementarisme, implicite chez De Man, rapproche son socialisme du fascisme.

 

Pour Déat, les idées planistes, exposées notamment par De Man à l'Abbaye de Pontigny (septembre 1934), reflètent un pragmatisme de la liberté, une approche de l'économie et de la société proche du New Deal de Roosevelt, et ne relèvent nullement du vieux réformise social-démocrate. Le planisme, avait affirmé Déat dans l'Homme Nouveau (n°6, juin 1934), n'impliquait aucune politique de compromis ou de compromissions car il était essentiellement révolutionnaire: il voulait agir sur les structures et les institutions et les modifier de fond en comble. Presqu'au même moment, se tenait un Congrès socialiste à Toulouse: la plupart des mandats de «Révolution Constructive» s'alignent sur les propositions de Blum, sauf deux délégués, parmi lesquels Georges Soulès, alias Raymond Abellio, représentant le département de la Drôme. Georges Valois, proudhonien un moment proche de l'AF, est hostile à De Man, sans doute pour des motifs personnels, mais accentue, par ses publications, l'impact du courant para-planiste ou dirigiste en France.

 

Or, à cette époque, pour bouleverser les institutions, pour jouer sur les «structures», pour parfaire un plan, de quelque nature qu'il soit, il faut un pouvoir autoritaire. Il faut inaugurer l'«ère des directeurs». Pratique «directoriale», planification, etc. ne sont guère possible dans un régime parlementaire où tout est soumis à discussion. Les socialistes éthiques, ascètes et spartiates, anti-bourgeois et combatifs, méprisaient souverainement les parlottes parlementaires qui ne résolvaient rien, n'arrachaient pas à la misère les familles ouvrières frappées par le chômage et la récession. Dans son terrible livre, La Cohue de 40, Léon Degrelle croque avec la férocité qu'on lui connaît, un portrait du socialisme belge en déliquescence et de De Man, surplombant cet aréopage de «vieux lendores adipeux, aux visages brouillés, pareils à des tartes aux abricots qui ont trop coulé dans la vitrine» (p. 175). De Man, et les plus jeunes militants et intellectuels du parti, avaient pedu la foi dans la religion démocratique.

 

Dès le déclenchement des hostilités, en septembre 1939, De Man opte personnellement contre la guerre, pour la neutralité absolue de la Belgique, proclamée par le Roi dès octobre 1936. Fin 1939, avec l'appui de quelques jeunes militants flamands, dont Edgard Delvo, il fonde une revue, Leiding (Direction), ouvertement orientée vers les conceptions totalitaires de l'époque, dit Degrelle. Il serait peut-être plus juste de dire que le socialisme planiste y devenait plus intransigeant et voulait unir, sans plus perdre de temps, les citoyens lassés du parlementarisme en un front uni, rassemblé derrière la personne du Roi Léopold III.

 

Après l'effondrement de mai-juin 1940, De Man publie un «manifeste aux membres du POB», où figurent deux phrases qui lui ont été reprochées: «Pour les classes laborieuses et pour le socialisme, cet effondrement d'un monde décrépit, loin d'être un désastre, est une délivrance»; «[le verdict de la guerre] est clair. Il condamne les régimes où les discours remplacent les actes, où les responsabilités s'éparpillent dans le bavardage des assemblées, où le slogan de la liberté individuelle sert d'oreiller à l'égoïsme conservateur. Il appelle une époque où une élite, préférant la vie dangereuse et rapide à la vie facile et lente, et cherchant la responsabilité au lieu de la fuir, bâtira un monde nouveau».

 

Ces phrases tonifiantes, aux mâles accents, étaient suivies d'un appel à construire le socialisme dans un cadre nouveau. Cet appel a été entendu. De toutes pièces, De Man commence par créer un syndicat unique, l'UTMI (Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels), officiellement constitué le 22 novembre 1940, après d'âpres discussions avec le représentant du Front du Travail allemand, le Dr. Voss. De Man, ami du Roi, voulait sauvegarder l'unité belge: son syndicat serait dès lors unitaire, ne serait pas scindé en une aile flamande et une aile wallonne. Le Dr. Voss, visant l'éclatement du cadre belge en deux entités plus facilement absorbables par le Reich, impose la présence des nationalistes flamands du VNV dans le comité central composé de socialistes, de démocrates-chrétiens, de syndicalistes libéraux. Edgard Delvo, ancien socialiste, auteur d'un ouvrage préfacé par De Man et paru à Anvers en 1939, collaborateur de Leiding, la revue neutraliste hostile à toute participation belge aux côtés des Anglais et des Français, théoricien d'un «socialisme démocratique» ou plutôt d'un populisme socialiste, est l'homme du VNV au sein de ce comité. En 1942, poussé par les services du Front du Travail allemand, Delvo deviendra le maître absolu de l'UTMI. Ce coup de force des nationalistes provoque la rupture entre De Man et son syndicat: l'ancien chef du POB quitte Bruxelles et se réfugie en Haute-Savoie, grâce à l'aide d'Otto Abetz. Il sera désormais un «cavalier seul». Les socialistes, les libéraux et les jocistes quittent l'UTMI en 1942, laissant à Delvo les effectifs nationalistes flamands et wallons, peu nombreux mais très résolus.

 

En Wallonie, dès la parution du Manifeste du 28 juin 1940, plusieurs journalistes socialistes deviennent du jour au lendemain des zélotes enragés de la collaboration. Ainsi, le Journal de Charleroi, organe socialiste bon teint depuis des décennies, était édité par une société dont l'aristocratique famille Bufquin des Essarts étaient largement propriétaire. Dès les premiers jours de juin 40, un rédacteur du journal, J. Spilette s'empare du journal et le fait paraître dès le 6, avant même d'avoir créé une nouvelle société, ce qu'il fera le 8. En novembre 1940, Spilette, avançant ses pions sans sourciller, s'était emparé de toute la petite presse de la province du Hainaut et augmentait les ventes. Els De Bens, une germaniste spécialisée dans l'histoire de la presse belge sous l'occupation, écrit que l'influence de De Man était prépondérante dans le journal. Spilette défendait, envers et contre les injonctions des autorités allemandes, les positions de De Man: syndicat unique, augmentation des salaires, etc. Spilette baptisait «national-socialisme» la forme néo-demaniste de socialisme qu'il affichait dans son quotidien. Ensuite, rompant avec De Man, Spilette et ses collaborateurs passent, non pas à la collaboration modérée ou à la collaboration rexiste/degrellienne, mais à la collaboration maximaliste, regroupée dans une association au nom évocateur: l'AGRA, soit «Amis du Grand Reich Allemand». L'AGRA, dont le recrutement était essentiellement composé de gens de gauche, s'opposait au rexisme de Degrelle, marqué par un héritage catholique. Les deux formations finiront par s'entendre en coordonnant leurs efforts pour recruter des hommes pour le NSKK. Le 18 octobre 1941, le Journal de Charleroi fait de la surenchère: il publie un manifeste corsé, celui du Mouvement National-Socialiste wallon, où il est question de créer un «Etat raciste» wallon. Spilette appelle ses concitoyens à rejoindre cette formation «authentiquement socialiste». 

 

A Liège, le quotidien La Légia, après avoir été dirigé par des citoyens allemands, tombe entre les mains de Pierre Hubermont, écrivain, lauréat d'un prix de «littérature prolétarienne» à Paris en 1931, pour son roman Treize hommes dans la mine. Les Allemands ou Belges de langue ou de souche allemandes, actionnaires de la société ou rédacteurs du journal, entendaient germaniser totalement le quotidien. Pierre Hubermont entend, lui, défendre un enracinement wallon, socialiste et modérément germanophile. Cette option, il la défendra dans une série de journaux culturels à plus petit tirage, édités par la «Communauté Culturelle Wallonne» (CCW). Parmi ces journaux, La Wallonie, revue culturelle de bon niveau. Dans ses éditoriaux, Hubermont jette les bases idéologiques d'une collaboration germano-wallonne: défense de l'originalité wallonne, rappel du passé millénaire commun entre Wallons et Allemands, critique de la politique française visant, depuis Richelieu, à annexer la rive gauche du Rhin, défense de l'UTMI et de ses spécificités syndicales.

 

Fin 1943, les services de la SS envoient un certain Dr. Sommer en Wallonie pour mettre sur pied des structures censées dépasser le maximalisme de l'AGRA. Parmi elles: la Deutsch-Wallonische Arbeitsgemeinschaft, en abrégé DEWAG, dirigée par un certain Ernest Ernaelsteen. Ce sera un échec. Malgré l'appui financier de la SS. DEWAG tentera de se donner une base en noyautant les «cercles wallons» de R. De Moor (AGRA), foyers de détente des ouvriers wallons en Allemagne, et les «maisons wallonnes», dirigée par Paul Garain, président de l'UTMI wallonne, qui pactisera avec Rex.

 

Quelles conclusion tirer de ce bref sommaire de la «collaboration de gauche»? Quelles ont pu être les motivations de ces hommes, et plus particulièrement de De Man, de Delvo et d'Hubermont (de son vrai nom Joseph Jumeau)?

 

La réponse se trouve dans un mémoire rédigé par la soeur d'Hubermont, A. Jumeau, pour demander sa libération. Mlle Jumeau analyse les motivations de son frère, demeuré toujours socialiste dans l'âme. «Une cause pour laquelle mon frère restait fanatiquement attaché, en dehors des questions d'humanisme, était celle de l'Europe. Il était d'ailleurs Européen dans la mesure où il était humaniste, considérant l'Europe comme la Patrie de l'humanisme (...) Cette cause européenne avait été celle du socialisme depuis ses débuts. L'internationalisme du 19° siècle n'était-il pas surtout européen et pro-germanique? L'expérience de 1914-1918 n'avait pas guéri les partis socialistes de leur germanophilie (...). ... la direction du parti socialiste était pro-allemande. Et, au moment de l'occupation de la Ruhr, ..., [mon frère] a dû aligner son opinion sur celle de Vandervelde (ndlr: chef du parti socialiste belge) et de De Brouckère (ndlr: autre leader socialiste), qui étaient opposés aux mesures de sanctions contre l'Allemagne. Le peuple (ndlr: journal officiel du POB), jusqu'en 1933, c'est-à-dire jusqu'à la prise du pouvoir par Hitler, a pris délibérément et systématiquement fait et cause pour l'Allemagne, dans toutes les controverses internationales. Il a systématiquement préconisé le désarmement de la France et de la Belgique, alors que tout démontrait la volonté de l'Allemagne de prendre sa revanche. Mon frère (...) n'avait pu du jour au lendemain opérer le retournement qui fut celui des politiciens socialistes. Pour lui, si l'Allemagne avait été une victime du traité de Versailles avant 1933, elle l'était aussi après 1933 (...). Et si la cause de l'unité européenne était bonne avant 1933, lorsque Briand s'en faisait le champion, elle l'était toujours après 1933, même lorsque les Allemands la reprenaient à leur compte (...). [Mon frère] partait de l'idée que la Belgique avait toujours été le champ de bataille des puissances européennes rivales et que la fin des guerres européennes, que l'unification de l'Europe, ferait ipso facto la prospérité de la Belgique».

 

Tels étaient bien les ingrédients humanistes et internationalistes des réflexes partagés par De Man, Delvo et Hubermont. Même s'ils n'ont pas pris les mêmes options sur le plan pratique: De Man et Hubermont sont partisans de l'unité belge, le premier, ami du Roi, étant centraliste, le second, conscient des différences fondamentales entre Flamands et Wallons, étant fédéraliste; Delvo sacrifie l'unité belge et rêve, avec ses camarades nationalistes flamands, à une grande confédération des nations germaniques et scandinaves, regroupées autour de l'Allemagne (ce point de vue était partagé par Quisling en Norvège et Rost van Tonningen aux Pays-Bas). Mais dans les trois cas, nous percevons 1) une hostilité aux guerres inter-européennes, comme chez Briand, Stresemann et De Brinon; 2) une volonté de créer une force politique internationale, capable d'intégrer les nationalismes sans en gommer les spécificités; une inter-nationale comportant forcément plusieurs nations solidaires; Delvo croira trouver cet internationalisme dans le Front du Travail allemand du Dr. Ley; 3) une aspiration à bâtir un socialisme en prise directe avec le peuple et ses sentiments.

 

De Man connaîtra l'exil en Suisse, sans que Bruxelles n'ose réclamer son extradition, car son procès découvrirait la couronne. Delvo sera condamné à mort par contumace, vivra en exil en Allemagne pendant vingt-cinq ans, reviendra à Bruxelles et rédigera trois livres pour expliquer son action. Hubermont, lourdement condamné, sortira de prison et vivra presque centenaire, oublié de tous.

 

Raoul FOLCREY.   

 

 

dimanche, 09 août 2009

El genocidio de Hiroshima

El genocidio de Hiroshima

Hace 64 años el presidente Truman ordeno lanzar la primera bomba atomica contra la humanidad, cometiendo un genocidio que aun no se ha juzgado en ningun tribunal internacional

El 6 de agosto de 1945 Estados Unidos asesino a mas de 200.000 civiles en la ciudad de Hiroshima, lanzando contra ella la primera bomba nuclear utilizada como arma de guerra en la historia de la humanidad, y tres dias despues sucedio lo mismo en Nagasaki. Se estima que hacia finales de 1945, las bombas habían matado a 140.000 personas en Hiroshima y 80.000 en Nagasaki, aunque solo la mitad había fallecido los días de los bombardeos y el resto por heridas incurables o enfermedades atribuidas al envenenamiento por radiación.

El presidente Harry S. Truman, quien ordeno el bombardeo, no lo hizo para acabar con la guerra y la escasa resistencia de Japon. Los mismos japoneses estaban intentando negociar la paz, y habian pedido la mediacion a Stalin. Antes de que la URSS pudiera aceptarla, EE.UU. se encargo de que las negociaciones de paz no tuvieran lugar y Japon se entregara a una rendicion incondicional. Japon ya estaba practicamente vencido, y la escusa de que la bomba se lanzo para evitar “mas muertes de civiles”, como cinicamente aseguro Truman, se desarma cuando miramos los miles de japoneses inocentes que murieron con los lanzamientos. En ningun caso hubieran muerto tantos si la guerra hubiera durado dos meses mas.


Estados Unidos demostro con el uso de la bomba atomica la calidad humana de sus dirigentes, su personalidad genocida. La Segunda Guerra Mundial pasara a la historia no solo por el holocausto perpetrado por los nazis, contra judios, gitanos, comunistas y homosexuales (entre otros), sino tambien por la extrema crueldad de Estados Unidos, que entonces demostro que la vida humana no le importa lo mas minimo, actitud que ha continuado de diversas formas asesinas hasta hoy dia.

El genocidio de Hiroshima y Nagasaki no ha sido juzgado por ningun tribunal internacional todavia, porque los genocidas fueron los vencedores en esta ocasion. No hubo Tribunal de Nuremberg para Truman y sus secuaces. Pero la historia, a pesar de las justificaciones que han inventado los medios de comunicacion actuando de silenciador moral, no deja de mostrarnos lo horrible de los actos de los que son capaces de utilizar cualquier metodo para lograr sus fines materiales.

Con una hipocresia que hiela toda capacidad de sentimiento, que indigna hasta a las piedras, los EEUU han venido acusando a todos sus enemigos de asesinos, crueles genocidas, o tiranos, mientras que ellos, tras el silenciador de la opinion publica, creada por los escribanos y voceros del sistema, muy bien pagados, continuan orgullosos de sus crimenes y ejecutándolos, de una manera u otra, hasta el presente y a lo largo de todo el planeta.

Aunque de sus horrendos y continuos crimenes el asesinato de 220.000 japoneses de un golpe, (sin contar las secuelas radioactivas producidas en los pocos supervivientes), el genocidio producido por el lanzamiento de las dos unicas bombas nucleares lanzadas hasta hoy contra la humanidad, es, si cabe, el mas ilustrativo de la verdadera naturaleza criminal del imperio yankee y del corazon podrido de sus primeros peones, los presidentes de Estados Unidos (independientemente del color de su piel).

Jose Luis Forneo

Extraído de CuestiónateloTodo.

mardi, 04 août 2009

Knut Hamsun: un esprit peu commode

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Helge MORGENGRAUEN:

Knut Hamsun: un esprit incommode

 

Ses admirateurs comme ses ennemis sont d’accord sur un point: Knut Hamsun est l’un des plus importants romanciers de la littérature européenne contemporaine. Nombreux furent ses contemporains plus jeunes comme James Joyce ou Virginia Woolf qui bénéficièrent de son influence de manière décisive. Hamsun a aussi acquis une réelle importance en littérature américaine, notamment par l’influence qu’il exerça sur un écrivain comme William Faulkner: bon nombre d’historiens de la littérature le comptent dès lors parmi les pères fondateurs du roman américain moderne.

 

Des auteurs aussi différents que Maxime Gorki, Thomas Mann, Jakob Wassermann ou Stefan Zweig reconnaissent en Hamsun un géant de la littérature. Dans sa contribution à un “liber amicorum” publié en Norvège en 1929, à l’occasion du 70ème anniversaire de Hamsun, Gorki écrivit qu’il ne voyait personne dans la littérature de son temps “qui égalât Hamsun sur le plan de l’originalité et de la puissance créatrice”. L’écrivain russe alla jusqu’à écrire que “l’écriture de Hamsun relève d’une ‘écriture sainte” pour l’humanité toute entière”. Quant au style hamsunien, Gorki déclare qu’il est “sans aucune pompe artificielle” et que “sa beauté réside dans la simple, pure et aveuglante vérité qu’elle dévoile”. Gorki: “Les figures norvégiennes, qu’il dépeint, sont aussi belles que les statues de la Grèce antique”.

 

La même année, Thomas Mann prend, lui aussi, la parole, pour dire “que l’art magnifique de Hamsun est devenu l’un des ingrédients majeurs” de sa propre formation et que cet art du Norvégien l’a aidé “à déterminer sa propre notion du récit et de la poésie littéraires”. Jakob Wassermann constatait, pour sa part, que Hamsun, “comme tout grand écrivain, est capable de transformer un petit monde aux horizons réduits en un véritable cosmos”, tout “en devenant un témoin majeur de son époque”.

 

Knut Hamsun, pour Stefan Zweig, représente “la forme la plus noble de la virilité, parce qu’elle offre et une tendresse, qui sourd d’une grande force comme l’eau d’une source, et de la passion contenue, qui se dissimule derrière une rudesse abrupte”.

 

Quand certains critiques, appartenant souvent à la mouvance des littérateurs engagés à gauche, jugent d’importantes figures de la littérature universelle comme Knut Hamsun ou de grands voyageurs comme Sven Hedin, on est surtout frappé par leur absence totale de pondération et par leur esprit partisan et haineux; les propos tenus par ces gens-là sont aigres, partiaux et injustes.

 

Hamsun et Hedin sont deux Scandinaves qui, comme pratiquement personne d’autre, ont osé tenir tête à Hitler et lui demander des choses que tous imaginaient impossibles, comme de libérer certains détenus de camps de concentration, d’épargner des vies juives, etc. Lorsque Hamsun rencontra Hitler, l’interprète n’a pas osé traduire tous ses propos. Quand l’écrivain évoqua plus tard cet entretien à son fils Tore, il dira: “Il ne me plaisait pas. “Je”, “moi”, disait-il sans arrêt, “je”, “moi”, toujours “je” et “moi”!”. On ne peut pas dire qu’il s’agit là d’admiration inconditionnelle. Revenu en Norvège, l’écrivain, avec un humour au second degré, racontait “qu’il avait rencontré tant de gens lors de son voyage, qu’il ne se souvenait plus, s’il avait rencontré Hitler ou non”.

 

Sven Hedin a raconté par le menu ses tribulations dans la capitale allemande dans un remarquable livre de souvenirs, intitulé “Ohne Auftrag in Berlin” (“Sans ordre de mission à Berlin”).

 

En 1953, Pablo Picasso a pu rédiger un vibrant hommage à “son cher camarade Staline”, alors que celui-ci avait commandité des massacres à grande échelle qui ont causé la mort d’au moins 55 millions de personnes en Union Soviétique. Cet hommage ne choque pas les nigauds du “politiquement correct”. Ndlr: En revanche, l’hommage rendu par Hamsun à Hitler, quelques jours après le suicide du dictateur allemand, continue à faire des gorges chaudes, alors qu’on  sait très bien que Hamsun n’était pas un inconditionnel du national-socialisme: que seule comptait à ses yeux l’élimination du capitalisme anglo-saxon.

 

Cette hostilité hamsunienne au libéralisme et au capitalisme anglo-saxons est tirée de son propre vécu, lors de ses séjours successifs aux Etats-Unis. Hamsun n’a jamais compris l’attirance qu’éprouvaient la plupart des Norvégiens pour l’Angleterre et l’Amérique. Lors de la première guerre mondiale déjà, et dès le début des hostilités, la sympathie de Hamsun allait à l’Allemagne en guerre, au “peuple germanique frère” d’Europe centrale. Cette sympathie déplaisait à une majorité de Norvégiens.

 

Hamsun n’a jamais renoncé à cette sympathie germanophile, même quand les temps étaient très durs pour l’Allemagne: pour l’établissement marqué aujourd’hui par l’union des gauches et du “politiquement correct”, c’est en cette germanophilie constante que réside la faute majeure de Knut Hamsun. Il avait connu les affres du système américain, pseudo-démocratique et capitaliste et en avait souffert cruellement. Personne de raisonnable ne pourrait lui reprocher de préférer l’Allemagne, à qui il devait ses premiers succès éditoriaux et le lancement de sa carrière internationale, succès amorcés bien avant même que les nationaux-socialistes existèrent et n’exerçassent le pouvoir. De préférer cette Allemagne des lettres et de l’esprit à un monde anglo-saxon, dont le Dieu unique était et reste Mammon (ndlr: c’est exactement le cas de l’écrivain flamand de langue française Georges Eekhoud).

 

Hamsun est donc bien un héritier des Vikings, dans la mesure où jamais il ne choisit les chemins faciles et les pistes tracées à l’avance. Même quand il se trompait, Hamsun restait essentiellement un Germain contestataire de grand format.

 

Helge MORGENGRAUEN.

(article tiré de “zur Zeit”, Vienne, n°31-32/2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

Hommage à Knut Hamsun pour son 150ème anniversaire

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Ellen KOSITZA:

 

 

 

Hommage à Knut Hamsun pour son 150ème anniversaire

 

 

 

Il y a cent cinquante ans, le 4 août 1859, naissait l’un des écrivains les plus chatoyants d’Europe. Il fut un homme fier, indocile, il cherchait la rébellion à tout prix mais demeure, malgré cela, un artiste aux sens très aiguisés.

 

Cette description ferait certes grommeler notre jubilaire: quoi, moi, un artiste? Pfff... les artistes, un ramassis qui n’a point besoin du monde! Chatoyant, moi? Fichtre, sous mes ongles, il y a de la terre sombre qui colle, alors, votre chatoyance, vos apparences... elles me laissent froid! Ecrivain, moi? Avec une rage contenue, cet homme de lettres si célèbre répondait à tous ses lecteurs qui lui écrivaient, en lui adressant leur courrier par un “A Monsieur l’Ecrivain Knut Hamsun”, qu’il était un paysan et rien de plus et que sans ses enfants, il “n’aurait même pas mérité une pierre tombale”.

 

Pour Hamsun, les hommages, qu’on lui rendait, n’avaient guère de sens. Il refusait très souvent les titres de docteur “honoris causa”, les décorations et les honneurs. Il n’avait pas l’habitude de lire les biographies qu’on lui consacrait, ni les recensions qu’on écrivait sur ses livres. Mais il s’insurgeait avec véhémence quand il voyait que la presse maltraitait un livre de sa femme Marie (en l’occurrence: “Les enfants de Langerud”, qui aujourd’hui encore reste un livre qui n’a pas pris une ride). Mieux: tout à la fin de sa carrière, il envoya la médaille du Prix Nobel, qu’il avait gagné en 1920, et qu’il jugeait “objet inutile”, à Joseph Goebbels, et, cerise sur le gâteau, rédigea une notice nécrologique pathétique à la mort d’Adolf Hitler, ce qui fit de lui, et définitivement, un personnage controversé.

 

Mais qui fut donc ce Knut Hamsun? Il était le fils d’un pauvre tailleur et d’une mère qui deviendra vite neurasthénique. Né Knud Petersen, il était le quatrième d’une famille de sept enfants, natifs du centre de la Norvège. Très jeune, il fut hébergé par un oncle, homme cultivé mais chrétien rigoriste et, par là même, incapable d’aimer, qui avait élu domicile très loin dans le Nord du pays. C’est là, parmi les animaux, les livres, en ne fréquentant qu’épisodiquement l’école, et sous des frimas qui duraient quasiment toute l’année, que Hamsun a grandi. L’adolescent était très soucieux de publier ses premiers écrits, qui n’ont pas été conservés; il en finançait l’impression et des colporteurs distribuaient ces courtes nouvelles pour quelques “öre” (quelques sous).

 

Hamsun ne s’est jamais fixé en un endroit précis: il travaillait ci et là comme instituteur, comme commis aux écritures dans l’administration ou comme ouvrier sur les chantiers des ponts et chaussées. Lorsqu’il émigra pour la première fois en Amérique en 1882 et y demeura plusieurs années, il avait déjà vécu quelques expériences à l’étranger. A vingt-neuf ans, et après de nombreuses tentatives opiniâtres, il perce enfin en littérature: un quotidien imprime son récit intitulé “La faim” (1890) en feuilleton. L’histoire se base sur les propres expériences de Hamsun à Christiana (l’actuel Oslo), où jeune artiste jeté dans les précarités de l’existence, il meurt presque de faim. Le récit attire lecteurs et critiques, qui en restent marqués à jamais.

 

Un an après, Hamsun publie un écrit polémique “Le vie intellectuelle dans l’Amérique moderne”, au ton acerbe, amer et virulent pour régler ses comptes avec l’esprit borné d’Outre-Atlantique, ressenti comme hostile à toute forme de culture. Hamsun avait demandé qu’on ne le réédite pas. Mais avec ces deux livres, son nom avait acquis célébrité. La bohème littéraire des grandes villes aimait se référer à ce poète rebelle, à ce coléreux exalté, qui, en plus,  ne mâchait pas ses mots quand il évoquait les grandes figures intellectuelles de son pays, surtout Ibsen et aussi, plus tard, son protecteur, l’écrivain national Bjørnstjerne Bjørnson. Hamsun suscitait l’intérêt parce qu’il ribouldinguait et s’avèrait un causeur spirituel de tout premier ordre.

 

Il était charmant et charmeur mais, s’il le fallait, il se montrait très combattif. Il y avait toutes sortes d’attitudes qu’il détestait: l’esprit du mouvement féministe, ensuite ceux de la réforme orthographique (“Il ne faut pas démocratiser la langue, il faut l’anoblir”), du culte des vieillards (devenu vieillard lui-même, il continuait à le mépriser: “on ne devient pas plus sage mais plus bête”), du tourisme qui était en train de se développer, de la vie urbaine (même si elle l’attirait toujours vers les métropoles), de la décadence des temps modernes et surtout l’esprit contemplatif de la bourgeoisie. Et avant toute chose, il abhorrait le monde anglo-saxon avec son “pragmatisme dépourvu d’esprit”. La Russie (parce qu’il aimait Dostoïevski), la France (parce qu’il vécut quelque temps à Paris) et surtout l’Allemagne (il y envoya sa fille Ellinor à l’école) suscitaient sa sympathie. C’est surtout la réception de ses oeuvres en Allemagne qui aida Hamsun à faire rayonner sa célébrité en dehors de la Scandinavie. Son éditeur, Albert Langen, devint l’un de ses meilleurs amis.

 

Pourtant, au départ, l’oeuvre de Hamsun a connu une réception ambigüe. Deux livres surtout ont déplu: l’énigmatique roman “Mystères” (1892), qui est considéré aujourd’hui comme un classique (récemment Helmut Krausser en a tiré une pièce de théâtre sous le titre de “Helle Nächte”/”Nuits claires”), et “Lynge, rédacteur en chef”, une critique mordante du journalisme de son époque. C’est donc avec ses romans “Pan” et “Victoria”, qui n’ont plus jamais cessé d’être édités et réédités, que Hamsun connut le succès.

 

Il eut une fille avec sa première femme en 1902, mais ce mariage fut très éphémère. S’ensuivirent des années fébriles et mélancholiques, ponctuées de crises de créativité. Hamsun en souffrit énormément. Il se soumit même à une psychothérapie de longue durée pour surmonter le syndrome de la page blanche. Son public ne s’en aperçut guère: Hamsun était un polygraphe génial; en bout de course, son oeuvre couvre trois douzaines de volumes, principalement des romans, bien sûr, mais aussi des récits, des poèmes, des drames et des souvenirs de voyage.

 

Vers 1906, plusieurs oeuvres se succèdent à un rythme rapide, comme “Sous l’étoile d’automne”, “Benoni”, “Rosa” et “Un vagabond joue en sourdine”. Une nouvelle phase dans l’oeuvre de Hamsun venait de commencer. En 1909, il épouse Marie, une actrice bien plus  jeune que lui. De ce mariage naîtront deux fils et deux filles. Amoureux de la Vie, qu’il croquait à belles dents, Hamsun savait, depuis sa plus tendre enfance, vivre et créer dans toutes les situations mais, il passait maître dans l’art de ne jamais trouver ni paix ni quiétude.

 

Dans la pauvreté, il fanchissait les obstacles; il avait l’habitude de transporter avec lui une planche qui lui servait de chevalet, son manteau lui servait d’oreiller. Quand il avait de l’argent, il le dépensait en des achats grandioses et distribuait le reste aux nécessiteux. Entouré de sa famille, il ne trouvait pas la quiétude pour écrire. Quand il se retirait, il souffrait de l’absence de sa femme et de ses enfants. Il aimait jouer avec ceux-ci. S’il vivait ici, il fallait qu’il se rende là-bas; s’il était absorbé par la rédaction d’un roman, le travail de la terre lui faisait cruellement défaut.

 

En 1911, Hamsun achète une ferme dans le Nord de la Norvège. En 1917, il retourne dans le Sud avec sa famille, où, avec l’argent que lui procurera l’attribution du Prix Nobel, il achètera une ferme parfaite selon ses voeux. Depuis des années déjà, Hamsun avait été pressenti comme candidat pour ce Prix Nobel. En 1920 aussi, les observateurs estimaient que le Nobel littéraire lui échapperait, à cause de Selma Lagerlöf, membre du jury (Hamsun se moquait d’elle, parce qu’elle était une femme célibataire et sans  enfants). Finalement, le roman de Hamsun, “L’éveil de la glèbe”, paru trois ans auparavant, fit l’unanimité. 

 

Dans ce roman, l’écrivain raconte la vie d’un paysan fruste, qui peine sur une terre ingrate, Isak: comment celui-ci se taille une place au soleil, au milieu d’une nature sauvage, comment il plante, travaille et produit; Isak est brave, fidèle et immunisé contre toute corruption de l’âme. Hamsun montre aussi comment le monde moderne, avec tout son cortège de séductions, s’approche de son héros et le frappe. Non, Hamsun n’a pas fait du romantisme à bon marché. Ne s’est pas posé comme un nostalgique qui regrette le bon vieux temps. Elle recèle chaleur et rudesse, fertilité et putréfaction: telle est la Terre sur laquelle croissent et dépérissent les créations d’Isak. De nos jours encore, “L’éveil de la glèbe” est considéré comme un jalon important dans l’histoire de la littérature mondiale.

 

Cependant, le discrédit tombera sur Hamsun. Jamais il n’avait dissimulé sa germanophilie inconditionnelle. Dans les années 30, il accumule les invectives de nature politique. En 1935, il salue le retour de la Sarre à l’Allemagne. En 1939, des semaines avant que n’éclate la guerre, il plaide pour la réintégration de Dantzig dans le Reich; et il écrit: “Les Polonais sont parfaits – en Pologne”.

 

Lorsque les Allemands occupent la Norvège en 1940 et ne précèdent les Anglais que de quelques heures, Hamsun publie plusieurs appels à son peuple, qui sympathisait avec les Anglais et l’exhortait à accepter l’occupation allemande. Hamsun n’a jamais pris position quant à l’idéologie nationale-socialiste; il n’était pas antisémite et considérait que les Juifs constituaient un peuple “très doué, formidablement musical”; pour l’antisémitisme nazi, il avait une explication toute prête: “Il y a de l’antisémitisme dans tous les pays.  L’antisémitisme succède au sémitisme comme l’effet succède à la cause”. En 1943, Hamsun rend une visite pesonnelle à Hitler, pour se plaindre de la gestion de Terboven, le Commissaire du Reich en Norvège. L’entretien se termine mal: Hamsun a failli se faire jeter dehors sans ménagement. Après cette confrontation tapageuse, Hitler aurait donné l’ordre de ne plus lui présenter des “gens pareils”.

 

A la fin de la guerre, Hamsun avait 86 ans. On le priva de liberté pendant deux ans pour “activités de trahison”: résidence surveillée à domicile, prison, asile psychiatrique. Son dernier livre, “Sur les sentiers où l’herbe repousse” (1949), raconte les péripéties de cette époque, sans aucune amertume, au contraire avec ironie et sérénité.

 

Hamsun meurt dans sa ferme à Nörholm en février 1952, réprouvé et ruiné. Contrairement à Hemingway (qui était l’un des auteurs préférés de Hamsun), notre écrivain norvégien n’a jamais tué personne; il s’est simplement agité dans le mauvais camp, celui des perdants. Voilà ce qui nous explique pourquoi des dizaines de cafés portent le nom de Hemingway. Et pourquoi, récemment encore en Norvège, une âpre polémique a éclaté pour savoir s’il fallait baptiser des rues ou des places du nom de Knut Hamsun.

 

“Je suis comme le saumon”, avait un jour écrit Hamsun, “je me sens  obligé de nager à contre-courant”.

 

Ellen KOSITZA.

(article paru dans “Junge Freiheit”, n°31-32/2009, trad. franç.: Robert Steuckers).

mardi, 28 juillet 2009

Le débarquement à Dieppe fut-il un fiasco?

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Erich KÖRNER-LAKATOS:

 

Le débarquement à Dieppe fut-il un fiasco?

 

19 août 1942: dans le courant de l’après-midi la “radio grande-allemande” annonce une nouvelle depuis le quartier général du Führer, le Werwolf, situé alors près de Vinnitza en Ukraine. Après l’habituel morceau de musique, les auditeurs apprennent par leur poste qu’une “invasion” vient d’échouer à l’Ouest.

 

“Le Commandement suprême de la Wehrmacht fait savoir qu’un débarquement de grande ampleur de troupes anglaises, américaines, canadiennes et gaullistes, dont les effectifs s’élèvent à une division pour la première vague, a eu lieu dans les premières heures de la matinée près de Dieppe sur la côte française de la Manche; cette tentative de débarquement a bénéficié de l’appui de forces navales et aériennes importantes et a été soutenue par des blindés; les forces allemandes chargées de défendre la côte ont brisé l’élan de l’ennemi qui avait essuyé des pertes élevées et sanglantes (...)”.

 

Un mois plus tôt, le 22 juillet 1942, Staline avait exigé, sur le ton de l’ultimatum, que ses alliés  occidentaux ouvrissent un second front. En effet, le dictateur soviétique venait d’encaisser l’offensive estivale du groupe d’armées allemandes “Süd”: ses défenses étaient profondément ébranlées et il demandait qu’une offensive à l’Ouest soulage ses propres troupes. Ce sera surtout son représentant à Washington, son ancien ministre des affaires étrangères, Maxime Litvinov, qui insistera pour que les Occidentaux prennent des mesures concrètes. Winston Churchill temporise, promet aux Russes qu’il agira dans un an, car un débarquement exige des préparations de grande ampleur. La première tentative de s’incruster sur le sol français sera donc ce débarquement offensif, tenté sur les côtes normandes de la Manche, près de Dieppe.

 

Cette petite ville se situe dans le département de Seine-Maritime, à environ cent kilomètres au nord-est du Havre. Dès le départ, la tentative de débarquement des Alliés, dont le nom de code était “Jubilee”, connut la malchance. Une partie des trois à quatre cents navires de débarquement rencontra, quand la nuit était encore noire, un convoi de la marine allemande, chargé de surveiller le littoral. Elle perdit ainsi d’emblée tout effet de surprise.

 

A six heures du matin, le débarquement commence en trois endroits. 6100 hommes mettent pied à terre, pour la plupart appartenant à la 2ème Division canadienne du Général Roberts. Des unités de commandos de la Royal Navy les assistent.

 

L’ensemble de l’opération s’effectue sous un parapluie aérien de centaines de Spitfires et Hurricanes. Mais les attaquants se heurtent à une forte résistance, à laquelle ils ne s’attendaient pas: celle des hommes du 71ème Régiment d’infanterie du Lieutenant-Colonel allemand Bartel. L’artillerie côtière allemande est bien placée et les chasseurs Focke-Wulf procurent un appui-feu  appréciable.

 

Les Canadiens sont plus nombreux mais inexpérimentés: ils ne font pas le poids devant les soldats éprouvés de la Wehrmacht dans les combats rapprochés le long des plages. Dans le ciel, toutefois, aucun des deux camps n’a le dessus: les Anglais, les Polonais exilés et les Américains perdent 98 avions, tandis que les Allemands en perdent 91. Vers midi, les Canadiens doivent déjà se replier; leurs chefs décident que le réembarquement aura lieu vers 15 h. Peu parmi les soldats débarqués retourneront ce jour-là en Angleterre, seulement un petit tiers. 1179 attaquants (dont près de 900 Canadiens) tomberont au combat; 2190 seront prisonniers, dont 60 officiers canadiens. Six cents prisonniers sont blessés et soignés sur place. Les Alliés perdent 28 chars et de nombreux navires de débarquement, ainsi que quatre destroyers et sept navires de transport. La Wehrmacht annonce 311 morts ou disparus et 280 blessés.

 

Officiellement, Londres tente de minimiser l’échec de Dieppe comme étant “un exercice armé de reconnaissance”. Pour les Allemands, en revanche, ce 19 août est la journée qui a prouvé que le Mur de l’Atlantique pouvait tenir, sans qu’il ne faille, insistait le haut commandement de la Wehrmacht, engager des réserves supplémentaires, constituées de troupes aguerries.

 

Mais cette propagande allemande cachait la vérité: l’aventure de Dieppe n’est nullement l’échec allié qu’elle a décrit pour les besoins de la cause. L’objectif de l’Opération “Jubilee” n’était pas d’ouvrir un second front à l’Ouest comme le réclamait Staline (pour le faire, il aurait fallu des effectifs bien supérieurs à ceux d’une simple division); ce n’était pas davantage un exercice général en prévision du débarquement de 1944, car on aurait pu le faire à bien moindre prix en Angleterre sous la forme de manoeuvres. Non: l’objectif de “Jubilee” n’était ni plus ni moins “Freya”, la plus moderne des stations radar allemandes, installée près de Dieppe. Son rayon d’action dépassait les 200 km et couvrait une bonne partie de l’Angleterre, ce qui permettait aux Allemands de détecter le décollage des escadres de bombardiers alliés immédiatement après leur envol.

 

C’est pour mener à bien ce coup de main contre “Freya” que les Britanniques ont déployé cette opération commando surdimensionnée. Le personnage-clef de l’opération est un Canadien de 28 ans, d’origine juive-polonaise, Jack Nissenthal. Il était un expert en radar particulièrement doué. Il s’est retrouvé à la pointe des opérations, tout à l’avant, où cela “pétait” le plus. Il était l’un des rares savants qui connaissaient en tous ses détails la technologie alliée des radars. Lors du débarquement de Dieppe, il était flanqué de dix soldats d’élite, non seulement pour sa protection mais pour celle du savoir-faire allié en matières de radar, car ces hommes ont reçu aussi pour mission complémentaire  —et comme ordre strict—  de ne pas laisser Nissenthal tomber vivant aux mains des Allemands. Nissenthal avait d’ailleurs reçu à cette fin une capsule de cyanure.

 

Nissenthal, homme de beaucoup d’allant, athlétique et impétueux, est parvenu, sous une pluie de balles allemandes, en perdant sept de ses gardes-du-corps, à approcher par deux fois l’appareil “Freya” et d’en démonter d’importantes composantes qui ont fourni aux Alliés des connaissances précieuses sur les techniques radar allemandes.

 

Grâce à Dieppe et à Nissenthal, les attaques à grande échelle des bombardiers anglo-saxons sur l’Allemagne ont été rendues possible car les savants alliés avaient constaté qu’il suffisait de tromper les radars allemands en lançant de simple bandes de feuilles d’aluminium. L’effroyable attaque contre Hambourg, qui dura trois jours en 1943 et fut baptisée l’“Opération Gomorrhe”, eut lieu sans que les Allemands n’aient pu organisé la moindre défense sérieuse de la ville hanséatique.

 

Vu dans cette optique, le fiasco apparent de Dieppe est en réalité un succès préparé avec audace et obtenu au prix fort. C’est une entreprise de type “troupe d’assaut” qui a obligé par la suite les Allemands à garnir davantage le Mur de l’Atlantique, avec des forces qui leur ont cruellement manqué ailleurs.

 

Bien entendu, dans le contexte de l’époque, la propagande allemande ne pouvait voir l’affaire sous un tel angle. Dans les actualités allemandes, la “bataille victorieuse” de Dieppe a pris une ampleur considérable: on la passait et la repassait inlassablement au cinéma avant le film de fiction. En plus, les producteurs de reportages de guerre, issus des “PK” (les “compagnies de propagande”),ont publié une sorte de recueil, intitulé “Dieppe – die Bewährung des Küstenwestwalles”  (= “Dieppe – Comment le Mur de la côte occidentale a tenu”).

 

Erich KÖRNER-LAKATOS.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°49/2005, trad. franç. : Robert Steuckers).

mardi, 14 juillet 2009

Une étude néerlandaisesur Malraux, Drieu, Nizan et Brasillach

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Souffrir de l’air du temps...

Une étude néerlandaise sur Malraux, Drieu, Nizan et Brasillach

 

Un livre vient de sortir de presse aux Pays-Bas: celui de Marleen Rensen, professeur de “lettres européennes modernes” à l’Université d’Amsterdam. Il est intitulé: “Lijden aan de tijd – Franse intellectuelen in het interbellum” (= “Souffrir de l’air du temps – les intellectuels français pendant l’entre-deux-guerres”). Ce livre se vendra-t-il? Je ne sais pas. Il est la version grand public d’une thèse de doctorat portant sur la façon dont quatre écrivains français, André Malraux, Pierre Drieu la Rochelle, Paul Nizan et Robert Brasillach, affrontent leur époque dans leur oeuvre, songent au temps qui passe et en sont obsédés. Indubitablement, c’est là un bon sujet. Mais, hélas, le public potentiel me semble bien réduit aujourd’hui, qui s’intéresse encore à la littérature engagée de cette époque-là et qui, de surcroît, serait prêt à se farcir des considérations d’ordre philologique, bien difficiles à ingurgiter. Et nous sommes les premiers à le déplorer. En tout cas, l’éditeur prêt à tout, aux Pays-Bas, “Aspekt” de Soesterberg, mérite nos applaudissements pour avoir publié une fois de plus un ouvrage difficile, peu commercialisable. Il faut oser le faire.

 

L’analyse que propose Marleen Rensen de quatre romans d’avant-guerre, représentatifs de ce qu’elle appelle la “génération anti-Proust”, est remarquable, mais je formulerais tout de même quelques critiques sur l’un ou l’autre détail de son travail. Je rassure: mes critiques ne portent pas sur le fond mais sur des détails, des points et des virgules, de petites inexactitudes que Marleen Rensen aurait pu éviter.  Il est inexact d’affirmer, par exemple, que l’écrivain communiste Nizan ait d’abord été membre du “Faisceau” de Georges Valois dans les années 20. Il est tout aussi inexact d’étiqueter ce mouvement de “fascistoïde”, comme le fait Marleen Rensen: c’est à coup sûr une exagération. Le terme “fascistoïde” est vague; il relève du langage pamphlétaire et non pas de la terminologie scientifique; raison pour laquelle j’éviterais de l’utiliser dans une thèse. Valois entendait, faut-il le rappeler, dissoudre son mouvement dans le front des gauches vers le milieu des années 30, donc, sa milice ne peut guère être qualifiée de “fascistoïde”. De surcroît, dans une thèse, elle aurait dû signaler, pour être exhaustive, le fait très révélateur que pendant l’occupation, le fondateur du “Faisceau” a été déporté par les Allemands à Bergen-Belsen à la suite de ses activités jugées subversives. Il y est décédé le 16 février 1945.

 

Encore une inexactitude de la même veine: le “Parti Social Français”, d’inspiration chrétienne et nationaliste, placé sous la houlette du Colonel François de la Rocque, est qualifié de “fasciste” en page 95 de l’ouvrage. François Mitterrand en était un sympathisant quand il était étudiant. Cette affirmation n’est guère scientifique. Le PSF de droite catholique était certes une formation antiparlementaire mais ne s’est jamais égaré dans les eaux de l’antisémitisme comme le PPF de Jacques Doriot. François de la Rocque a subi lui aussi la déportation pour faits de résistance, d’abord vers un camp annexe de Flossenburg, ensuite au château d’Itter qui dépendait du camp de Dachau. Je tiens à rectifier, dans les cas de Valois et de de la Rocque, car il faut veiller à ne pas coller partout, et sans discernement, l’étiquette de “fasciste”.

 

Mais, en dépit de mon pointillisme, je ne dénigre nullement l’ensemble du travail de Marleen Rensen, constitué d’analyses hors pair de quatre romans intemporels que l’on lit aussi dans bon nombre d’universités, y compris en Flandre: “L’espoir” du “fellow traveller” André Malraux, “Le cheval de Troie” du communiste Paul Nizan, “Gilles” du fasciste Drieu la Rochelle et “Les sept couleurs” de Robert Brasillach, rédacteur en chef du journal collaborationniste “Je suis partout”, fusillé en 1945. Ces quatre hommes se connaissaient avant la guerre. Drieu et Malraux étaient de bons amis et le restèrent en dépit de leurs divergences d’opinion fondamentales sur le plan idéologique. Drieu, tempérament narcissique, s’est suicidé en mars 1945. Malraux, personnalité mythomane, s’est converti au gaullisme et a réussi à se hisser au poste de ministre de la culture après 1958. Nizan et Brasillach avaient tous deux fréquenté la fameuse “Ecole Normale Supérieure”, comme Sartre, et écrivaient des recensions sur leurs ouvrages respectifs. Nizan est devenu communiste vers 1930 mais a quitté le parti après le pacte de non-agression germano-soviétique d’août 1939. Il est mort en combattant devant Dunkerque. Le parti l’a stigmatisé ensuite, lui a collé l’étiquette de “traître”.

 

Les modes d’engagement de ces hommes étaient différents, mais “Lijden aan tijd” nous montre de manière fort convaincante que les quatre écrivains se heurtaient, dans leurs oeuvres, au thème du temps, plus exactement tentaient de donner des recettes à leurs contemporains pour qu’ils sachent comment vivre (intensément) leur époque. On retrouve ce souci dans les multiples essais que nos quatre auteurs ont rédigés. Le point de départ de leurs réflexions est sans nul doute aucun la première guerre mondiale, qui apporte, explique Marleen Rensen, aux quatre écrivains une conception historique du temps, laquelle marque une différence fondamentale entre leur démarche engagée et celle, esthétique et individualiste, d’un auteur comme Marcel Proust, dont le monumental “A la recherche du temps perdu” constitue, in fine, une introspection personnelle, non chronologique, soustraite au temps social, politique et historique, bien éloigné de tout engagement social. Mais s’il peut paraître paradoxal que Proust ait été largement apprécié par les deux “fascistes” que furent Drieu et Brasillach.

 

Proust était déjà considéré comme “suranné” en son temps, où, effectivement, avec nos quatre auteurs, toute une génération s’est dressée: elle voulait que la littérature épouse les passions de l’histoire.

 

Mais Proust va gagner, conclut Rensen. “On remarquera que le roman postmoderne actuel semble revenir aux oeuvres de Proust, Mann, Gide, Joyce et Woolf, sur les plans du style et de la composition... Tandis que l’esthétique des écrivains modernistes reste de nos jours un modèle littéraire important, le style -et le style romanesque- de Brasillach, Drieu, Malraux et Nizan ne sont restés qu’un phénomène éphémère, lié à une période historique restreinte”. Pourtant, ajouterais-je, la postmodernité est, elle aussi, phénomène de mode. Le temps peut tout changer.

 

“Guitry”/’t Pallieterke.

(article paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 10 juin 2009, trad. franç.: Robert Steuckers).

 

 

lundi, 06 juillet 2009

Opération Barbarossa: forces en présences et conclusions à tirer

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Opération Barbarossa: les forces en présence et les conclusions qu'on peut en tirer

 

par Joachim F. WEBER

 

Un matin d'été, 3 h 30. La nuit est sombre du Cap Nord à la Mer Noire. Tout d'un coup, l'air est déchiré par le fracas assourdissant des canons. Des milliers d'obus forment une pluie d'acier et martèlent le versant sovié­tique de cette frontière. Les positions avan­cées de l'Armée rouge sont matraquées. Et quand les premières lueurs du jour appa­raissent, la Wehrmacht allemande et ses al­liés franchissent la frontière et pénètrent en URSS.

 

C'était le 22 juin 1941. Un jour historique où l'Allemagne a joué son destin. La lutte âpre qui commence en ce jour va se terminer un peu moins de quatre années plus tard, dans les ruines de la capitale allemande, à Berlin. Pendant 45 ans, on nous a répété que cette défaite était le juste salaire, bien mérité, de l'acte que nous avions commis ce 22 juin. L'historiographie des vainqueurs de 1945 et de leur clientèle parmi les vaincus a pré­senté pendant plusieurs décennies l' comme une guerre d'ex­ter­mination minutieusement planifiée, per­pé­trée par des parjures qui n'avaient pas res­pecté le pacte qui nous liait à notre voisine de l'Est. Les historiens qui osaient émettre des opinions différentes de celles imposées par cette sotériologie offi­cielle n'ont pas rigolé pen­dant quarante-cinq ans! Mais au­jour­d'hui, alors que l'ordre éta­bli à Yalta s'ef­fondre, de gros lambeaux de légende s'en vont également en quenouille. En cette année 1991, cinquante ans après les événements, on pourrait pourtant examiner les tenants et aboutissants de cette guerre et de ses prolé­go­mènes sans s'encombrer du moindre dog­me. En effet, on est impres­sionné par le grand nombre d'indices qui tendent à réfuter la thèse officielle d'une at­taque délibérée et injustifiée contre une Union Soviétique qui ne s'y attendait pas. Ces indices sont telle­ment nombreux qu'on peut se demander com­ment des historiens osent encore défen­dre cette thèse officielle, sans craindre de ne plus être pris au sé­rieux. Nous savons dé­sor­mais assez de choses sur ce qui s'est passé avant juin 1941, pour ne plus avoir honte de dire que l'attaque allemande du 22 juin a bel et bien été une guerre préventive.

 

Un vieux débat

 

Pourtant ce débat pour savoir si l' a été une attaque délibérée ou une guerre préventive n'est ni nouveau ni ori­ginal. Les deux positions se reflétaient déjà dans les déclarations officielles des an­tagonistes dès le début du conflit. Le débat est donc aussi ancien que l'affrontement lui-même. L'enjeu de ce débat, aujourd'hui, est de savoir si l'on veut continuer à regarder l'histoire dans la perspective des vainqueurs ou non.

 

L'ébranlement des armées allemandes qui a commencé en ce jour de juin a d'abord été couronné d'un succès militaire sans précé­dant. Effectivement, le coup brutal asséné par les troupes allemandes surprend la plu­part des unités soviétiques. Par centaines, les avions soviétiques sont détruits au sol; les positions d'artillerie et les concentrations de troupes sont annihilées. Au prix de lourdes pertes en matériel, les Soviétiques sont con­traints de reculer. Dès le début du mois de juillet, commencent les grandes batailles d'en­cerclement, où des centaines de milliers de soldats soviétiques sont faits prisonniers. En tout et pour tout, l'URSS perd, au cours des trois premières semaines de la guerre, 400.000 hommes, 7600 chars et 6200 avions: une saignée inimaginable.

 

C'est après ces succès inouïs que le chef de l'état-major général de l'armée de terre al­lemande, le Colonel-Général Halder, écrit dans son journal: . Une erreur d'appré­cia­tion, comme on n'en a jamais vue. Car au bout de 1396 jours, la campagne la plus coû­teuse que l'Allemagne ait jamais déclen­chée, se termine par une défaite.

 

Le désastre soviétique

 

Pourtant, le désastre soviétique paraissait complet. Au vu de celui-ci, on comprend l'eu­phorie de Halder, même si on ne prend pas seulement en considération les deux pre­mières semaines de la guerre mais ses six premiers mois. Jusqu'à la fin de l'année 1941, la Wehrmacht fait environ trois mil­lions de prisonniers soviétiques. C'est l'am­pleur de ces pertes qui incite les défen­seurs de la thèse de l'attaque délibérée à jus­tifier leur point de vue: en effet, ces pertes ten­de­raient à prouver que l'Union Soviétique n'é­tait pas préparée à la guerre, qu'elle ne se doutait de rien et qu'elle a été complètement surprise par l'attaque allemande.

 

Il est exact de dire, en effet, que l'Union So­vié­tique n'avait pas imaginé que l'Alle­ma­gne l'attaquerait. Néanmoins, il est tout-à-fait incongru de conclure que l'Union Sovié­tique ne s'était pas préparée à la guerre. Sta­line avait bel et bien préparé une guerre, mais pas celle qu'il a été obligé de mener à partir de juin 41. Pour les officiers de l'état-major allemand comme pour tous les ob­ser­va­teurs spécialisés dans les ques­tions mili­tai­res, c'est devenu un lieu com­mun, depuis 1941, de dire que l'avance alle­mande vers l'Est a précédé de peu une avance soviétique vers l'Ouest, qui aurait été menée avec beau­coup plus de moyens. La vé­rité, c'est que le déploiement soviétique, pré­lude à l'ébran­le­ment des armées de Staline vers l'Ouest, n'a pas eu le temps de s'achever.

 

Comparer les forces

et les effectifs en pré­sence

 

Lorsque l'on compare les forces et les effec­tifs en présence, on en retire d'intéressantes leçons. On ne peut affirmer que la Wehr­macht allemande  —sauf dans quelques uni­tés d'attaque aux effectifs ré­duits et à l'affec­tation localisée—  était supé­rieure en nom­bre. Les quelque 150 divisions allemandes (dont 19 blindées et 15 motori­sées), qui sont passées à l'attaque, se trou­vaient en face de 170 divisions soviétiques massées dans la zone frontalière. Parmi ces divisions sovié­tiques, 46 étaient blindées et motorisées. En matériel lourd, la supériorité soviétique était écrasante. Les unités alle­mandes attaquan­tes disposaient de 3000 chars et de 2500 a­vions, inclus dans les esca­drilles du front; face à eux, l'Armée Rouge aligne 24.000 chars (dont 12.000 dans les ré­gions mili­tai­res proches de la frontière) et 8.000 avions. Pour ce qui concerne les pièces d'artillerie, la Wehrmacht dispose de 7000 tubes et les Soviétiques de 40.000! Si l'on in­clut dans ces chiffres les mortiers, le rapport est de 40.000 contre 150.000 en faveur des Soviétiques. Le 22 juin, l'Armée soviétique aligne 4,7 mil­lions de soldats et dispose d'une réserve mo­bilisable de plus de 10 mil­lions d'hommes.

 

Les Landser allemands avançant sur le front russe constatent très vite comment les choses s'agençaient, côté soviétique: effecti­vement, les pertes soviétiques sont colos­sales, mais, ce qui les étonne plus encore, c'était la quantité de matériels que les Sovié­tiques étaient en mesure d'acheminer. Les Allemands abattent quinze bombardiers so­vié­tiques et voilà qu'aussitôt vingt autres sur­gissent. Quand les Allemands arrêtent la contre-attaque d'un bataillon de chars sovié­tiques, ils sont sûrs que, très rapidement, une nouvelle contre-attaque se déclenchera, ap­puyée par des effectifs doublés.

 

Un matériel soviétique

d'une qualité irrépro­chable

 

Sur le plan de la qualité du matériel, la Wehr­macht n'a jamais pu rivaliser avec ses ad­versaires soviétiques. Alors qu'une bonne part des blindés soviétiques appartiennent aux types lourdement cuirassés KV et T-34 (une arme très moderne pour son temps), les Allemands ne peuvent leur opposer, avant 1942, aucun modèle équivalent. La plupart des unités allemandes sont dotées de Panzer I et de Panzer II, totalement dépassés, et de chars tchèques, pris en 1938/39.

 

Pourquoi l'Allemagne ne peut-elle rien jeter de plus dans la balance? Pour une raison très simple: après la victoire de France, l'in­dustrie allemande de l'armement, du moins dans la plupart des domaines cru­ciaux, a­vait été remise sur pied de paix. Ainsi, les usines de munitions (tant pour l'infanterie que pour l'artillerie) avaient ré­duit leurs cadences, comme le prouvent les chiffres de la production au cours de ces mois-là. Est-ce un indice prouvant que l'Allemagne prépa­rait de longue date une guerre offensive?

 

Concentration et vulnérabilité

 

Mais cette réduction des cadences dans l'in­dustrie de l'armement n'est qu'un tout petit élément dans une longue suite d'indices. Surgit alors une question que l'on est en droit de poser: la supériorité sovié­tique était si impressionnante, comment se fait-il que la Wehrmacht n'ait pas été battue dès 1941 et que l'Armée Rouge ait dû at­tendre 1944-45 pour vaincre?. La réponse est sim­ple: parce le gros des forces soviétiques était déjà massé dans les zones de rassem­ble­ment, prêt à passer à l'attaque. Cette énorme concentration d'hommes et de ma­tériels a scellé le destin de l'Armée Rouge en juin 1941. En effet, les unités militaires sont ex­ces­­sivement vulnérables lorsqu'elles sont con­centrées, lorsqu'elles ne se sont pas en­co­re déployées et qu'elles manœuvrent avant d'a­voir pu établir leurs positions. A ces mo­ments-là, chars et camions roulent pare-chocs contre pare-chocs; les colonnes de vé­hicules s'étirent sur de longs kilomètres sans protection aucune; sur les aérodromes, les avions sont rangés les uns à côté des au­tres.

 

Aucune armée au monde n'a jamais pris de telles positions pour se défendre. Tout état-ma­jor qui planifie une défense, éparpille ses troupes, les dispose dans des secteurs forti­fiables, aptes à assurer une défense efficace. Toute option défensive prévoit le creusement de réseaux de tranchées, fortifie les positions existantes, installe des champs de mines. Sta­line n'a rien fait de tout cela. Au con­trai­re: après la campagne de Pologne et à la veil­le de la guerre avec l'Allemagne, Staline a fait démanteler presque entièrement la ligne dé­fensive russe qui courait tout au long de la frontière polono-soviétique pour préve­nir tou­te réédition des attaques polonaises; mieux, cette ligne avait été renforcée sur une pro­fon­deur de 200 à 300 km. Or, pourtant, l'Armée Rouge, pendant la guerre de l'hiver 1939-40 con­tre la Finlande, avait payé un très lourd tribut pour franchir le dispositif défen­sif fin­landais. Toutes les mesures défen­sives, tou­tes les mesures de renforcement des défen­ses existantes, ont été suspendues quelques mois avant que ne commence l'. Les barrières ter­restres ont été démontées, les charges qui minaient les ponts et les autres ouvrages d'art ont été en­levées et les mines anti-chars déterrées. Quant à la , bien plus per­fec­tionnée, elle a subi le même sort, alors que, depuis 1927, on n'avait cessé de la renforcer à grand renfort de béton armé. Et on ne s'est pas contenté de la démonter en enlevant, par exemple, toutes les pièces anti-chars: on a fait sauter et on a rasé la plupart des bun­kers qui la composaient. Ces démon­tages et ces destructions peuvent-ils être in­terprétés comme des mesures de défense? Le Maré­chal soviétique Koulikov disait en juin 1941: .

 

Les dix corps aéroportés de Staline

 

Bon nombre d'autres mesures prises par les Soviétiques ne sauraient être interprétées com­me relevant de la défense du territoire. Par exemple, la mise sur pied de dix corps aéroportés. Les troupes aéroportées sont des unités destinées à l'offensive. Entraîner et équiper des unités aéroportées coûtent des sommes astronomiques; pour cette raison bud­gétaire, les Etats belligérants, en géné­ral, évitent d'en constituer, ne fût-ce qu'un seul. L'Allemagne ne l'a pas fait, alors que la guerre contre l'Angleterre le postulait. Sta­line, pour sa part, en a mis dix sur pied d'un coup! Un million d'hommes, avec tous leurs équipements, comprenant des chars aéroportables et des pièces d'artillerie lé­gères. Au printemps de l'année 1941, l'in­dus­trie soviétique, dirigée depuis sa cen­trale moscovite, ordonna la production en masse des planeurs porteurs destinés au transport de ces troupes. Des milliers de ces machines sont sorties d'usine. Staline, à l'évidence, comp­tait s'en servir pendant l'été 1941, car rien n'avait été prévu pour les en­treposer. Or, ces planeurs n'auraient pas pu résister à un seul hiver russe à la belle étoile.

 

Ensuite, depuis la fin des années 30, l'in­dustrie de guerre soviétique produisait des milliers d'exemplaires du char BT: des blin­dés de combat capables d'atteindre des vites­ses surprenantes pour l'époque et dont le ra­yon d'action était impressionnant; ces chars avaient des chenilles amovibles, de fa­çon à ce que leur mobilité sur autoroutes soit en­co­re accentuée. Ces chars n'avaient au­cune utilité pour la défense du territoire.

 

En revanche, pour l'attaque, ils étaient i­déaux; en juillet 1940, l'état-major sovié­tique amorce la mise sur pied de dix armées d'a­vant-garde, baptisées  pour tromper les services de rensei­gnements étrangers. A ce sujet, on peut lire dans l'En­cyclopédie militaire soviétique:  (vol. 1, p. 256). Il s'agissait d'armées disposant de mas­ses de blindés, en règle gé­nérale, de un ou de deux corps dotés chacun de 500 chars, dont les attaques visait une pé­nétration en profondeur du territoire en­nemi.

 

Les préparatifs offensifs de l'Armée rouge peu­vent s'illustrer par de nombreux indices encore: comme par exemple le transport vers la frontière occidentale de l'URSS de gran­des quantités de matériels de génie pré­voyant la construction de ponts et de voies fer­rées. Les intentions soviétiques ne pou­vaient être plus claires.

 

Hitler prend Staline de vitesse

 

C'est sans doute vers le 13 juin que l'état-ma­jor général soviétique a commencé à met­tre en branle son 1er échelon straté­gique, donc à démarrer le processus de l'offensive. L'organisation de ce transfert du 1er échelon stratégique a constitué une opé­ration gi­gan­tesque. Officiellement, il s'agissait de ma­nœuvres d'été. A l'arrière, le 2ième échelon stratégique avait com­mencé à se former, dont la mission aurait été de prendre d'as­saut les lignes de défense allemandes, pour le cas (envisagé comme peu probable) où el­les auraient tenus bon face à la première vague.

 

Mais le calcul de Staline a été faux. Hitler s'est décidé plus tôt que prévu à passer à l'action. Il a précédé son adversaire de deux semaines. Côté soviétique, la dernière phase du déploiement du 1er échelon (trois mil­lions d'hommes) s'était déroulée avec la pré­cision d'une horloge. Mais au cours de ce déploiement, cette gigantesque armée était très vulnérable. Le matin du 22 juin, l'of­fen­sive allemande a frappé au cœur de cette su­perbe mécanique et l'a fracassée.

 

A ce moment, de puissantes forces sovié­tiques se sont déjà portées dans les balcons territoriaux en saillie de la frontière occiden­tale, notamment dans les régions de Bia­lystok et de Lemberg (Lvov). Les Allemands les ont encerclées, les ont forcées à se ras­sembler dans des secteurs exigus et les y ont détruites. Et ils ont détruit égale­ment d'é­nor­mes quantités de carburant et de munitions que les trains soviétiques avaient acheminés vers le front le matin même.

 

Staline jette ses inépuisables réserves dans la balance

 

Le désastre soviétique était presque parfait. Presque, pas entièrement. Les pertes étaient certes énormes mais les réserves étaient en­core plus énormes. De juillet à décembre 1941, l'Union Soviétique a réussi à remettre sur pied 200 importantes unités, dont les ef­fectifs équivalaient à ceux d'une division. La Wehrmacht n'a pas su en venir à bout. Pen­dant l'hiver, devant Moscou, l'Allemagne a perdu sa campagne de Russie. A partir de ce moment-là, la Wehrmacht n'a plus livré que des combats désespérés contre l'Armée Rou­ge, avec un acharnement aussi fou qu'inu­tile, tant l'adversaire était numériquement supé­rieur, et compensait ses pertes en maté­riel par les livraisons américaines.

 

Voici, en grandes lignes, les faits présents le 22 juin 1941. L'histoire des préliminaires de cette campagne de Russie, la question de sa­voir à quelle date précise les Allemands et les Soviétiques avaient décidé d'attaquer, res­tent matières à interprétation, d'autant plus que d'importantes quantités d'archives allemandes sont toujours inaccessibles, aux mains des vainqueurs, et que les archives soviétiques ne peuvent toujours pas être con­sultées par les chercheurs. La raison de ces secrets n'est pas difficile à deviner...

 

Joachim F. WEBER.

(texte issu de Criticón, Nr. 125, Mai/Juni 1991; adresse de la revue: Knöbelstrasse 36/0, D-8000 München 22).   

 

 

samedi, 04 juillet 2009

Un tabou de l'histoire contemporaine: l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

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Archives de Synergies Européennes - 1992

 

Un tabou de l'histoire contemporaine: l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

 

 

par le Generalleutnant Dr. Franz UHLE-WETTLER

ancien Commandeur du NATO Defence College de Rome

 

Le 22 juin de cette année, il y avait tout juste cinquante ans que la Wehrmacht était entrée en Russie. Notre époque se caractérisant par un engouement pour les dates-anniver­sai­res, médias et politiciens ont eu l'occasion de se manifester et de faire du tapage. Mais on savait d'avance ce qu'ils allaient nous dire. Ils nous ont rappelé que l'Allemagne, pen­dant la seconde guerre mondiale, avait utili­sé des méthodes criminelles (l'ordre de dé­clen­cher l'Opération Barbarossa) et con­cocté des desseins tout aussi criminels (le Plan de la réorganisation politique et éco­nomique des territoires de l'Est). Et que c'est pour pro­mou­voir ces méthodes et réaliser ces des­seins que les Allemands ont com­battu. Avec des reproches dans la voix, avec des trémolos de honte, on nous a remémoré que toutes les institutions politiques, y com­pris la Wehr­macht, ont participé à ces crimes. Plus d'un donneur de leçons est venu à nous, la mine docte, pour nous dire qu'il fallait briser les ta­bous et laisser la vé­rité se manifester.

 

Mais il y a plus intéressant que ces sempi­ternelles répétitions de ce que nous savons déjà: précisément ce que ces briseurs de ta­bous veulent ériger comme tabous, les révé­lations qu'ils considèrent comme sacrilèges et qu'ils dénoncent comme telles. L'heb­do­ma­daire Die Zeit,  notamment, s'est spécia­li­sé dans ce genre d'entourloupettes. En 1988, quand les toutes premières voix se sont éle­vées pour dire que l'attaque alle­mande de juin 1941 n'était peut-être pas une attaque dé­libérée, perpétrée sans qu'il n'y ait eu, de la part de l'adversaire, la moindre pro­vo­ca­tion, Die Zeit  répondit par deux longs ar­ticles morigénateurs, dont le titre et les sous-titres en disaient assez sur leur contenu et leur style: «Les mensonges qui justifient la thè­se de l'attaque défensive  - Pourquoi on ré­ac­tive la fable de la guerre préventive dé­clen­chée par l'Allemagne». Bref: le ton d'une inquisition moderne.

 

Bien sûr, Staline voulait la paix

et Hitler, la guerre

 

Souvenons-nous toujours que les médias et les politiciens ne traitent des causes de la guerre qu'au départ de catégories morali­santes: on parle de culpabilité dans le dé­clen­chement de la guerre, de Kriegs-’Schuld’.  Or la guerre est un fait de monde qui échappe précisément aux catégories de la morale. Mieux qui ne peut nullement s'ap­préhender par les catégories de la mo­ra­le. Si Hitler avait acquis plus rapidement la victoire à l'Ouest ou si, au moins, il était parvenu à une paix provisoire avec l'Angle­terre, il aurait pu, s'il en avait eu en­vie, tour­ner tout son potentiel contre la Russie. Staline aurait été livré à son bon vouloir. Donc Staline ne pouvait pas, sans réagir, laisser évoluer la situation de la sorte. Il devait en conséquence attaquer l'Allemagne tant que celle-ci affrontait en­core l'Angle­ter­re (derrière laquelle se profi­laient depuis un certain temps déjà les Etats-Unis). Staline a dû opté pour cette solution par contrainte. Et cette option n'a rien à voir avec une quelcon­que notion morale de «faute», de «culpa­bi­li­té»; elle a été dictée par la volonté de Staline de survivre.

 

Examinons les choses de l'autre bord: la con­trainte que Staline allait inévitablement subir, Hitler ne pouvait pas ne pas la devi­ner. Par conséquent, Hitler était contraint à son tour d'élaborer des plans pour abattre la puissance de Staline, avant que celui-ci ne passe à l'attaque. Et quand, dans une situa­tion pareille, si explosive et si complexe, l'é­tat-major allemand assure Hitler que la Rus­sie peut être battue en quelques mois, plus rien ne pouvait arrêter le Führer. Pro­cessus décisionnaire qui n'a rien à voir non plus avec la notion de «faute», mais dé­coule plus simplement de la position géogra­phique occupée par l'Allemagne. Oser poser au­jour­d'hui de telles réflexions réalistes, non mo­rales: voilà qui est tabou.

 

Mais il y a encore plus étonnant: par exem­ple, ce que nos destructeurs de tabous ra­con­tent sur les intentions de Staline en 1940/41. Les documents soviétiques ne sont toujours pas accessibles. Pourtant, nos bri­seurs de ta­bous savent parfaitement bien ce que voulait Staline. Et il voulait la paix. Evidemment. Donc, l'attaque allemande était délibérée, in­justifiée. Scélérate. Comme sont des scélé­rats ceux qui osent émettre d'autres hypo­thè­ses sur la question. Des scélérats et des men­teurs. Des menteurs qui cultivent de mau­vaises intentions. Voilà comment on défend des tabous.

 

Pourtant Karl Marx déjà nous avait ensei­gné que les Etats socialistes devaient se pré­parer pour la guerre finale contre les capita­listes. Staline  —on sait qu'il ne s'encom­brait pas de scrupules inutiles—  avait choisi de provoquer cette lutte finale par l'offensive. Et il l'avait planifiée jusqu'au plus insigni­fiant détail. Depuis 1930, tous les nouveaux wagons des chemins de fer sovié­tiques, épine dorsale de la logistique des ar­mées moder­nes (encore de nos jours), de­vaient être cons­truits de façon à pouvoir pas­ser rapidement du grand écartement russe au petit écarte­ment européen. Préconise-t-on de telles me­su­res quand on n'envisage que la défensive? De plus, Staline avait mis sur pied une ar­mée gigantesque. On pourrait arguer que c'était pour se défendre; mais les chars et les unités aéroportées y jouaient un rôle prépon­dérant. Par conséquent, cette im­mense ar­mée avait bel et bien été conçue pour une guerre offensive.

 

Comparons quelques chiffres pour donner une idée de la puissance soviétique en ma­tière de blindés; en 1941, la Wehrmacht pos­sédait 3700 chars capables d'engager le com­bat, c'est-à-dire des chars qui ont au moins un canon de 37 mm. Elle disposait en plus de 2030 engins chenillés ou sur roues armés de mitrailleuses ou de canons de 20 mm. Elle a attaqué la Russie avec 2624 chars et 1024 en­gins armés de mitrailleuses ou de canons légers de 20 mm (types Panzer I ou Panzer II). C'était tout! Face à elle, l'Armée Rouge alignait entre 22.000 et 24.000 chars de com­bat, presque tous armés de canons de 45 mm ou plus. Parmi ces chars, on trouvait déjà 1861 chars des types KV et T34, qui étaient invulnérables face à presque tous les chars allemands de l'époque. L'arme blindée sovié­tique, à elle seule, était plus puissante que toutes les autres forces blindées du monde! La supériorité soviétique en matières de ca­nons et de mortiers était plus impression­nante encore. Quant aux escadrilles aé­rien­nes, le rapport des forces était également dé­fa­vorable aux Allemands: le 22 juin 1941, les unités allemandes envoyées au front russe disposaient de 2703 avions de combat; leurs adversaires soviétiques en avaient de 8000 à 9000, pour protéger des unités bien plus im­portantes encore, massées dans l'arrière-pays.

 

Les Soviétiques disposaient en tout état de cause d'une puissance militaire capable de passer à l'offensive. Et l'URSS avait des rai­sons de s'en servir. Mais que voulait Staline?

 

Déjà, au début de l'été 1940, quand les Al­le­mands n'avaient plus que quatre divi­sions à l'Est, Staline avait massé près de cent di­visions le long de sa frontière occiden­tale. Personne ne saura jamais ce que Staline comptait en faire, au cas où l'attaque alle­mande contre la France se serait enlisée. A la veille de l'attaque allemande contre l'Est, Staline avait rassemblé 180 divisions dans ses districts militaires de l'Ouest. Elles ve­naient des régions les plus éloignées de l'em­pire soviétique: de la Transbaïkalie et du Caucase. A ces 180 divisions, s'ajoutaient en­core neuf nouveaux corps mécanisés (cha­cun doté de plus de 1000 chars) ainsi que dix nouveaux corps d'armée aéroportés, ce qui trahissait bien les intentions offensives du dictateur géorgien.

 

Bon nombre de ces divisions acheminées vers l'Ouest ont été cantonnées dans des bi­vouacs de forêt provisoires, où il s'avérait difficile de maintenir à long terme les acquis de l'instruction et la vigueur combattive des troupes. Pas une seule de ces unités ne s'est mise en position défensive. Si elles avaient construit des redoutes de campagne, installé des obstacles, posé des champs de mines, l'attaque allemande de juin 1941 aurait été bloquée net et neutralisée. Les généraux so­viétiques n'ont pas tenu leurs unités de chars en réserve pour une éventuelle contre-attaque mais les ont avancés le plus loin pos­sible vers l'Ouest, dans les saillies fronta­lières. Indice plus révélateur encore: les dé­pôts logistiques de pièces de rechange, de munitions, etc. se situaient dans la plupart des cas à l'avant, plus à l'Ouest, que les uni­tés de combat ou les escadrilles d'avions qui étaient censées s'ébranler les premières. Beau­coup de phénomènes apparamment mar­ginaux confirment la thèse de l'immi­nence d'une attaque soviétique. Citons-en un seul: lors de leur avance fulgu­rante, les troupes allemandes ont souvent découvert des stocks de cartes militaires soi­gneu­se­ment emballées. Ces paquets conte­naient des cartes de territoires allemands.

 

La thèse de l'attaque

délibérée ne tient plus

 

Que pouvons-nous prouver en avançant tous ces indices? Rien. Sinon que l'attaque du 22 juin 1941 n'était probablement pas une at­taque délibérée et injustifiée contre une URSS qui ne voulait que la paix. Staline avait tous les moyens qu'il fallait pour attaquer. Beaucoup d'indices prouvent qu'il avait éga­lement l'intention d'attaquer, comme Hitler l'a affirmé dans plusieurs conversations se­crètes et privées. Reste à savoir quand cette attaque soviétique se serait déclenchée. Quel­ques semaines plus tard? Au printemps de 1942? La décision allemande d'attaquer, la date du déclenchement des opérations, ont-elles été choisie parce que l'état-major alle­mand avait aperçu le danger d'une attaque soviétique imminente ou parce que les mou­vements des troupes soviétiques ont précipité le cours des événements ou ont-elles été choi­sies tout-à-fait indépendemment des ma­nœu­vres soviétiques? Voilà tout un jeu de questions encore sévèrement tabouisé. La «querelle des historiens», il y a quelques an­nées, l'a amplement démontré.

 

Quoi qu'il en soit: tout historien qui prétend aujourd'hui, en dépit de tous ces indices, que l'attaque allemande était entièrement injus­tifiée, qu'elle a été perpétrée sans qu'il n'y ait eu la moindre provocation soviétique, tout historien qui avance la thèse d'une attaque allemande délibérée et veut faire d'une telle thèse un axiome de vérité, ne pourra plus être pris au sérieux. La raison, le bon sens et le programme du premier semestre de toute licence en histoire nous enseignent la même chose: toute connaissance sûre quant aux motivations, aux intentions et aux objectifs ne peut être acquise qu'au départ de docu­ments internes. Or les documents sovié­ti­ques sont toujours inaccessibles.

 

Dr. Franz UHLE-WETTLER.

   

vendredi, 19 juin 2009

Céline: le voyage à Berlin

Louis-Ferdinand Céline : Le voyage à Berlin

Le Bulletin célinien n°309, juin 2009 : C'est en mars 1942 que Céline effectua un voyage de cinq jours à Berlin. Échaudé par la confiscation de son or déposé en Hollande, l'écrivain avait pour objectif de confier à son amie danoise Karen Marie Jensen la clé et la combinaison de son coffre bancaire à Copenhague, et ce afin qu'elle mette l'argent en lieu sûr. C'est en compagnie de Lucette, Gen Paul et deux confrères médecins, Auguste Bécart et Jean-Claude Rudler, qu'il fit ce voyage. C'est donc sous le couvert d'un voyage scientifique et médical que Céline put se rendre en Allemagne. Au cours de ce séjour, on lui demanda de rendre une visite au Foyer des ouvriers français de Berlin et d'y prononcer une allocution. Après la guerre, Céline résuma à sa façon la teneur de son intervention : « Ouvriers français. Je vais vous dire une bonne chose, je vous connais bien, je suis des vôtres, ouvrier comme vous, ceux-là (les Allemands) ils sont moches, ils disent qu'ils vont gagner la guerre, j'en sais rien. Les autres, les russes, de l'autre côté, ne valent pas mieux. lis sont peut-être pires ! C'est une affaire de choix entre le choléra et la peste ! C'est pas drôle. Salut ! » Et d'ajouter : « La consternation au "Foyer" fut grande ». Le fait que la causerie de Céline laissa une impression mitigée n'est pas douteux. En témoigne le compte rendu, paru le 12 mars 1942, dans Le Pont, «hebdomadaire de l'amicale des travailleurs français en Allemagne» financé par le Reich. Le pessimisme de Céline, politiquement incorrect avant la lettre, ne fit assurément pas l'affaire de ceux qui l'avaient pressenti pour galvaniser ces travailleurs français qui avaient choisi de venir travailler outre-Rhin.

La séance hebdomadaire du groupe d'études sociales et politiques fut ouverte à 20 heures par notre camarade chargé de la direction du groupe. En quelques mots, il présenta Louis-Ferdinand Céline qui doit prendre la parole. C'est alors que le « docteur » se leva et vint s'asseoir à la table du conférencier.
Céline entra de suite dans le sujet. Sans détours, il ne cacha pas son opinion, acquise d'après une longue expérience personnelle, qu'il était très difficile de réunir les Français à l'étranger et de les faire s'entendre, sinon s'aimer.

Cependant, comme pour lui donner un démenti, la salle était fort bien remplie d'auditeurs avides de ses paroles. Et les débuts de son allocution furent quelque peu troublés par de nombreux retardataires qui faisaient grincer la porte d'entrée. En quelques mots, Céline eut vite fait de créer l'atmosphère, « son atmosphère ». « Je vais vous parler tout simplement, je ne vous ferai pas de discours, ni de conférence, mais vous parlerai comme en famille. Je suis un enfant du peuple, et suis resté tel. J'ai fait mes études de médecine, non pas comme étudiant mais comme travailleur. Je fais partie du peuple et le connais bien ». Et Céline commença immédiatement un diagnostic sévère de la maladie qui, selon lui, atteint chacun de nous. Faisant une allusion poétique, il fit remarquer qu'entre Villon et Chénier il y avait eu quatre siècles de « non lyrisme ». Cette période avait donc, à son avis, provoqué en partie du moins la sécheresse d'âme qui caractérise trop d'entre nous. Nous manquons d'idéal, c'est un fait ; mais nous a-t-on appris à en avoir, ou même à en désirer ? Non, et c'est pour cela que notre maladie est très grave. Et Céline ne craint pas de nous dire nos « quatre vérités ». Nous souffrons d'un mal très sérieux, par suite d'un manque quasi total de lyrisme, d'idéalisme.

Le docteur-écrivain nous dit ensuite son opinion sur les multiples causes de notre mal, et sa conviction qu'il avait de notre exploitation par les juifs qui « savent admirablement nous opposer les uns aux autres »...
L'intérêt du juif est de nous diviser en partis opposés, de façon à donner excuse à notre nonchalance. On rejette les fautes sur l'opposant, ainsi artificiellement créé. La lutte des partis n'est qu'une splendide invention d'Israël. Ensuite Céline montra combien nous avons été vexés de nous être laissés tromper. Il s'éleva alors contre la mentalité du joueur qui s'obstine. « J'ai perdu certes, mais il n'est pas possible qu'en persévérant je ne gagne pas, car j'ai tout bien misé, prévu, je dois donc finir par gagner. »
Céline s'adressa ensuite aux communistes éventuels, avec la franchise qui le caractérise. Que pensez-vous qu'il vous arriverait en cas d'une victoire des Soviets ? « Mais vous serez immédiatement déportés en Sibérie, avant les bourgeois même. Une fois votre "utilité" passée, vous deviendriez plus dangereux et inutiles que les modérés. »

Finalement, Céline dressa un très sombre tableau de la situation, et ne laissa entrevoir aucune issue. À un tel point, que les visages commençaient à montrer de l'étonnement, pour ne pas dire de l'indignation dans la salle comble. « Nous ne sommes tout de même pas aussi vils et laids qu'il veut bien nous le dire » aurait-on pu lire sur chaque face. Et Céline termina son spirituel exposé, ayant ainsi atteint le but qu'il cherchait. Il avait « piqué au vif », réveillé pour un moment nos sens endormis par cent cinquante ans de Déclaration des droits de l'homme, déclarations jamais suivies des « devoirs de l'homme ».

Le délégué du groupement d'études sociales et politiques du Foyer vint alors remercier le célèbre auteur des Beaux draps de son intéressant exposé, aussi spirituel que vivant. Il dit cependant sa conviction que « tout n'était pas perdu ». Si tout le monde n'a pas encore tout à fait
« compris », il n'en existe pas moins une minorité agissante et décidée, dont nous avons parmi nous ce soir un exemple en la personne d'un de nos camarades, de passage à Berlin, en permission, du front de l'Est. « J'aimerais beaucoup que notre camarade réponde à Céline », déclara alors l'orateur, et nous montre ainsi ce que pensent « ceux qui ont confiance quand même, parce qu'ils agissent ». C'est alors que se leva un jeune légionnaire français. En quelques paroles, il sut montrer à l'auditoire enthousiasmé que l'horizon n'était pas aussi sombre que Céline avait bien voulu nous le dépeindre. Il dit sa conviction personnelle, qui se trouvait être la nôtre d'ailleurs, que Céline avait voulu « piquer au vif » son auditoire.

« Certes, tout n'est pas le mieux dans le meilleur des mondes ; mais il ne faut pas désespérer, il faut agir, se montrer des hommes dignes des idées qu'ils prétendent avoir, et même défendre ces idées ; c'est ce que nous, volontaires contre le bolchevisme, faisons chaque jour. De même, vous qui travaillez en Allemagne, contribuez chaque jour efficacement à la lutte que l'Europe mène contre son ennemi d'aujourd'hui, le bolchevisme, et son ennemi de toujours, l'Angleterre. (Applaudissements sans fin.)
Après ce court et intéressant exposé d'un volontaire français du front de l'Est, M. Félix Allmend, du Comité franco-allemand, dont le dévouement au Foyer des ouvriers de langue française de Berlin est connu de chacun, prend la parole.

«Je voudrais ajouter quelques mots allemands à ce dialogue français, dit-il :
«Tout comme votre camarade légionnaire, je crois avoir compris le sens des paroles de Céline, qui veut certainement réveiller ceux qui se sont laissé endormir par des propagandistes trop zélés. Cette franchise est de beaucoup préférable à l'attitude qui consiste à vouloir jouer un rôle pour lequel on n'a plus de forces. À côté des paroles inutiles, il y a les faits. Or les Allemands sont bien davantage impressionnés par le travail de chaque jour de vous tous : ouvriers français qui vous faites apprécier par vos chefs, légionnaires qui avez quitté votre patrie pour vous joindre à l'Allemagne et à ses alliés dans un combat à mort, prisonniers donnant un magnifique exemple d'abnégation et de courage permanents, vous tous qui coopérez à la même cause qui est celle de nos pays et de l'Europe entière...
Toute cette franchise est de beaucoup préférable aux vieilles formules démagogiques, qui n'ont plus de place dans l'Europe nouvelle. »
Des applaudissements nourris accueillent cette dernière phrase du Dr Félix Allmend.

PICHE
(Le Pont, 12 mars 1942)

dimanche, 24 mai 2009

Plaidoyer pour Louis-Ferdinand Céline

Plaidoyer pour Louis-Ferdinand Céline

Ex: http://ettuttiquanti.blogspot.com/
Article tiré de En avant FFI n°13 du 16/12/1944, hebdomadaire des FFI du Sud-Est :

M. Charles Maurras, qui est encore de l'Académie, et M. Louis-Ferdinand Céline qui n'en est pas encore, se trouvent en ce moment en délicate posture : Ils attendent d'être jugés. Et le cas du premier apparaît comme si critique que l'assemblée des Habits Verts pourrait bien être sommée de l'éjecter de son sein. Dès lors, la candidature de M. L.-F. Céline prendrait la valeur d'une protestation contre un coup de force. L'habit changerait d'échine, mais l'esprit serait sauvé. Et nul doute que M. Claude Farrère se ferait une joie de patronner une telle candidature, lui qui écrivit un jour : « Hitler et Mussolini sont bien libres dé massacrer qui bon leur semble ! » En somme, l'Académie devient le dernier refuge de la liberté.

En outre, si elle ouvrait ses portes à l'auteur du « Voyage au bout de la nuit » et de « L'Ecole des cadavres », on ne pourrait plus lui reprocher d'être le dépotoir des lettres et la maison de retraite du conformisme édenté et zézayant. Car M. L.-F. Céline est un costaud. Ecoutez avec quel dynamisme il fulmine contre les youtres : « Qu'on les enferme, qu'on les fricasse, qu'on les branche, qu'on les fouette jusqu'à l'os, que ça gicle, que ça éclabousse.»

Comme M. Charles Maurras, M. Gélive est un pur doctrinaire, et ce n'est pas sa faute si d'aucuns l'ont écouté et suivi. Enfin, ce Gide de la canaille a décidément créé un genre. On a comparé sa langue à des dissections d'hôpital. Il semble même que M. Céline, médecin aliéniste, soit oublieux de son propre cas, qui relève de la camisole de force. Les Immortels, dont le goût est infaillible, ont toujours fait grise mine aux auteurs rabelaisiens, à ceux dont les histoires truculentes chantent la joie de vivre et respirent la santé — qu'ils se nomment Jules Romains, Louis Pergaud, Gabriel Chevallier ou Maurice Fontbeurre. Mais ils se doivent d'accueillir un individu aux mains sales qui ne peut toucher à rien sans le souiller, et dont les gros bouquins dégagent une odeur à laquelle les narines les moins chatouilleuses finissent par ne plus pouvoir résister. Ça, au moins, c'est de l'art et de l'éclectisme !

Un dernier argument. M. L.-F. Céline est l'auteur de ce jugement aussi clairvoyant qu'intrépide : « Quel est le véritable ami du peuple ? Le fascisme. Qui a le plus fait pour l'ouvrier ? Hitler. Qui nous préserve de la guerre ? Hitler. C'est un bon éleveur de peuples, il est du côté de la vie, il est soucieux de la vie des peuples et même de la nôtre. C'est un Aryen ».

Et M. Céline qui n'aime rien, ni la nature, ni la vie, ni les hommes (à la seule exception d'Hitler) s'aime passionnément lui-même. Il avoue quelque part : « Je suis orgueilleux comme trente-six paons ». Il y a vraiment de quoi.

Vite, Messieurs, élisez-le, pour le plaisir de lui voir faire la roue !

Paul Chevalier.

vendredi, 22 mai 2009

L. F. Céline : Siegmaringen: quel pittoresque séjour!

Louis-Ferdinand Céline - Siegmaringen : quel pittoresque séjour !

Ex: http://ettuttiquanti.blogspot.com/
Peut-être pas encore se vanter, Siegmaringen?... pourtant quel pittoresque séjour!... vous vous diriez en opérette... le décor parfait... vous attendez les sopranos, les ténors légers... pour les échos, toute la forêt!... dix, vingt montagnes d'arbres !... Forêt Noire, déboulées de sapins, cataractes... votre plateau, la scène, la ville, si jolie fignolée, rose, verte, un peu bonbon, demi-pistache, cabarets, hôtels, boutiques, biscornus pour « metteur en scène »... tout style « baroque boche » et « Cheval blanc »... vous entendez déjà l'orchestre !... le plus bluffant : le Château!... la pièce comme montée de la ville... stuc et carton-pâte !... pourtant... pourtant vous amèneriez le tout : Château, bourg, Danube, place Pigalle ! quel monde vous auriez !... autre chose d'engouement que le Ciel, le Néant et l'à Gil!... (1) les « tourist-cars » qu'il vous faudrait !... les brigades de la P. P. ! ce serait fou, le monde, et payant !

Nous là je dois dire l'endroit fut triste... touristes certainement ! mais spéciaux... trop de gales, trop peu de pain et trop de R. A. F. au-dessus!... et l'armée Leclerc tout près... avançante... ses Sénégalais à coupe-coupe... pour nos têtes !... pas les têtes à Dache!... je lis là actuellement tous nos « quotidiens » pleurer sur le sort des pauvres Hongrois... si on nous avait reçus comme eux ! tant larmoyé sur nos détresses, on l'aurait eu belle, je vous dis ! dansé des drôles de claquettes ! s'ils avaient eu au prose l'article 75 ces pathétiques fuyards hongrois Coty les garderait pas souper!... merde!... s'ils étaient simples Français de France il les ferait vite couper en deux!... en dix s'ils étaient mutilos! surtout médaillés militaires ! la sensibilité française s'émeut que pour tout ce qu'est bien anti-elle! ennemis avérés; tout son cœur! masochisse à mort !

Nous là dans les mansardes, caves, les sous d'escaliers, bien crevant la faim, je vous assure pas d'Opérette!... un plateau de condamnés à mort !... 1142 !... je savais exactement le nombre...

Je vous reparlerai de ce pittoresque séjour! pas seulement ville d'eau et tourisme... formidablement historique !... Haut-Lieu!... mordez Château!... stuc, bricolage, déginganderie tous les styles, tourelles, cheminées, gargouilles... pas à croire !... super-Hollywood !... toutes les époques, depuis la fonte des neiges, l'étranglement du Danube, la mort du dragon, la vidoire de SaintFidelis (2), jusqu'à Guillaume Il et Goering.

De nous autres, tous là, Bichelonne avait la plus grosse tête, pas seulement qu'il était champion de Polytechnique et des Mines... Histoire ! Géotechnie !... pardon !... un vrai cybernétique tout seul ! s'il a fallu qu'il nous explique le quoi du pour ! les biscornuteries du Château! toutes ! qu'il penchait plutôt sud que nord?... si il savait? pourquoi les cheminées, créneaux, pont-levis, vermoulus, inclinaient eux plutôt ouest?... foutu berceau Hohenzollern! pardi! juché qu'il était sur son roc ! ... traviole ! biscornu de partout !... dehors !... dedans ! ... toutes ses chambres, dédales, labyrinthes, tout! tout prêt à basculer à l'eau depuis quatorze siècles !... quand vous irez vous saurez !... repaire berceau du plus fort élevage de fieffés rapaces loups d'Europe ! la rigolade de ce Haut-Lieu! et qu'il vacillait je vous le dis sous les escadres qu'arrêtaient pas, des mille et mille « forteresses », pour Dresde, Munich, Augsburg... de jour, de nuit... que tous les petits vitraux pétaient, sautaient au fleuve !... vous verrez !...

Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre, 1957.

Sur le sujet :

A voir :
>>>
Lucette à Sigmaringen, émission Le Fond et la forme de 1971.

A lire :
>>>
Céline, Degrelle et quelques autres à Sigmaringen

vendredi, 08 mai 2009

8. Mai 1945 : Niedeschlagendenken

Baal Müller - http://www.sezession.de

8. Mai 1945: Niederlagendenken

besiegt

Wieder einmal 8. Mai – der Tag, an dem in den Feuilletons gerne Nachschläge zu den alten Schlachten serviert werden, insbesondere wenn sich das Kriegsende zu einem runden Male jährt. Die Rollenverteilung ist klar: Die von Richard Weizsäcker in seiner berühmten Rede von 1985  vorgelegte Deutung der deutschen Niederlage als Befreiung (von der nationalsozialistischen Herrschaft) ist mittlerweile längst zum allgemeingültigen Dogma erklärt.

Dagegen regt sich zwar Widerstand, jedoch wird dieser als Ausdruck ewiggestrigen Ressentiments abgetan oder gar mit dem Schlagwort „Revisionismus“ niedergebügelt.

Natürlich hat dieser Protest gegen eine der zentralen, quasihoheitlichen Deutungsvorgaben der Geschichtspolitik die besseren historischen Argumente auf seiner Seite: Da ist der erklärte Wille der Alliierten, nicht nur die Nazis niederzukämpfen, sondern Deutschland als Feindstaat zu besiegen, da sind die unmittelbaren Erfahrungen der Erlebnisgeneration: Doch letztere stirbt allmählich aus, und ersterer wird vielleicht nicht nur verdrängt, weil er nicht ins gewünschte Geschichtsbild paßt, sondern weil er längst durch jüngere Erinnerungen überlagert ist. Die Luftbrücke und der Kalte Krieg, Elvis und James Dean, Pop und Prüderie, Fitneßkult und Todesstrafe, Woodstock und Vietnam, Hollywood und Guantanamo, die Unterteilung der Präsidenten in gute (Kennedy, Clinton, Obama) und böse (Nixon, Reagan, Bush jun.) prägen heute das Amerikabild der Deutschen in seiner eigentümlichen Haßliebe, aber kaum noch der Zweite Weltkrieg. Neue Feinde und Allianzen ersetzen alte, und gerade wer politikfähig sein will, darf nicht „aus Prinzip“ alten Schemata verhaftet bleiben, auch wenn sich die Zähigkeit traditioneller Konstellationen, wenn ihnen geopolitische Verhältnisse zugrundeliegen, immer wieder mit erstaunlicher Kraft bemerkbar macht.

Da also kein runder Jahrestag ansteht und mithin der Protest gegen das einseitige Befreiungsdogma nicht fast schon zur patriotischen Pflicht wird, kann man die Dinge etwas gelassener betrachten. Die meisten Deutschen fühlten sich 1945 nicht befreit (sondern besiegt, unterjocht und vergewaltigt), aber um einen Teil dessen, was unterging (nämlich das Nazireich), ist es nun wirklich nicht schade, sondern nur um den anderen Teil: das alte Deutschland, das unwiederbringlich in den Trümmern versank – und die eigentliche Crux aus der Sicht der Nachgeborenen besteht darin, daß es zunächst Hitler und seinen Gegnern, später allen Bewältigern und nachholenden Widerständlern gelang, Deutschland und das Dritte Reich zu einem derart kompakten, simplifizierten, homogenisierten, scheinbar „unvermischten“ Klumpen zu verballen.

Die Sieger (und die Mit-Sieger, die im nachhinein immer auf der „richtigen“, „guten“ Seite stehen wollen) bestimmen anscheinend nicht nur über die Geschichte, sondern auch über die Geschichtsschreibung, die „großen Erzählungen“; und die Verlierer mit ihren „kleinen Identitäten“ und „alternativen Narrationen“ haben sich in den Siegerdiskurs mit den ihnen zugewiesenen Rollen einzuschreiben. „Der Sieger nimmt alles“? Ja, wenn er auch die Köpfe bekommt. Nein, wenn zumindest ein paar Köpfe übrigbleiben, die sich nicht gänzlich vereinnahmen lassen (und längerfristig allerdings auch zu Einfluß gelangen müssen).

Der Kulturhistoriker Wolfgang Schivelbusch hat in seinem hier nachdrücklich empfohlenen Werk über Die Kultur der Niederlage darauf hingewiesen, daß gerade aus der Verliererposition erstaunliche kulturelle, politisch-administrative, technische und ökonomische Innovationen erwachsen können, da der Besiegte – anders als der lorbeerumkränzte Sieger – zu einer schmerzhaften, dafür um so grundlegenderen, Reflexion seiner Positionen und Identität(en) genötigt ist. Niederlagen können ungeahnte „Energien“ freisetzen, positive oder negative Mythen schaffen, Erkenntnisse konstituieren und notwendige Reformen befördern.

Am homerischen Beginn der abendländischen Identitätsbildung steht der Verlierer Aeneas, den Vergil später zum Ahnherrn des Römischen Reiches erheben wird, und nicht Achilles, Agamemnon, Ajax oder Odysseus, die Frühverstorbenen, Ermordeten oder in die Irre Geschickten. Der Stifter der christlichen Religion mußte seinen Zeitgenossen und unmittelbaren Nachfahren als verlassener Prophet oder verstoßener Sohn seines Gottes erscheinen, und es war einiges an Deutungsarbeit erforderlich, um seinen Kreuzestod – entgegen allem Anschein – zum heilsgeschichtlichen Ur-Ereignis zu erklären. An die Thermopylen, Etzels Halle und das Amselfeld knüpfen sich große Identitätserzählungen auf Verliererseite, nicht aber – und hier liegt ein zentraler, wiewohl banaler Punkt – an die Punischen Kriege, den Fall Konstantinopels oder an Stalingrad: Ein gewisser physischer oder kultureller Restbestand muß auf Seiten der Besiegten noch übrig bleiben, um zu einem Kern künftiger Identitätsbildung werden zu können:

Es gibt verschiedene Grade des Unterliegens und des Am-Ende-Seins. Solange sie über ein intaktes Selbstbewußtsein verfügen, sind Verlierernationen nicht bereit, der Forderung nach moralisch-spiritueller Kapitulation (Reue, Bekehrung, Re-Education) zu entsprechen. Das ändert sich erst, wenn neben der physischen auch die spirituell-moralische Grundlage des Landes zerstört ist. Soweit waren die Verlierer von 1865, 1871 und 1918 noch nicht. (Schivelbusch)

Der amerikanische Bürgerkrieg, der deutsch-französische Krieg und der Erste Weltkrieg hinterließen beschädigte, aber regenerierbare und regenerationswille Identitäten, wobei auch hier im Detail viele Unterschiede (zumal im Vergleich etwa mit den deutschen Befreiungskriegen) erkenntbar sind. Beschränkt sich die Niederlage weitgehend auf den militärischen Bereich, wird die Erneuerung eher möglich sein und aufgrund von politisch-militärischen Reformen (die immer auch Anleihen beim siegreichen Gegner sind) erfolgen. Handelt es sich dagegen um eine „totale Niederlage“, so kann sie, wenn überhaupt, nur durch eine „totale“ geistige Erneuerung, d.h. durch mythische Sinnstiftung, erneuert werden – ob diese gelingt, ob allenfalls Pseudo-Mythen und ideologische Zerrbilder („Dolchstoßlegende“) entstehen oder ob auf den Zusammenbruch der völlige Untergang und Austritt aus der Geschichte erfolgt, hängt vom Grad der Traumatisierung bzw. der Stärke der Rest-Identität ab.

Es ist daher nicht verwunderlich, daß Schivelbusch der deutschen Niederlage von 1945 kein Kapitel gewidmet hat; diese war eben so total und erstreckte sich auf alle (militärischen, politischen, moralischen, psychischen, sozio-kulturellen, angesichts der Zerstörung der deutschen Städet auch ästhetischen) Bereiche, daß den Verlierern nur noch die völlige Unterwerfung unter die Botmäßigkeit der Sieger, die Hoffnung auf deren Gnade oder Mäßigung, später die Beschränkung auf eine geduldete, beschirmte „kleine Politik“, auf „Wirtschaftswunder“ und privates Wohlergehen im Windschatten der Weltgeschichte blieben. Bekanntlich hat sich daran auch 1989/90 nichts Wesentliches geändert (eher noch zum Schlechten, da die früher z.T. noch vorhandenen mentalitätsbedingten Reserven aufgezehrt sind); die „spirituell-moralische Grundlage“ für eine Neuformulierung deutscher Politik war nicht mehr gegeben.

Anstatt sich nun aber damit zu begnügen, aus Nieschenpositionen immer wieder folgenlos die Wiedererringung von nationaler Souveränität (die doch immerhin eine wesentliche Voraussetzung der Demokratie ist!), zu fordern oder deren weitere Delegation (insbesondere an Brüssel) zu beklagen, empfiehlt es sich – gerade im kulturellen, vor- und metapolitischen Bereich – nach den konstitutiven Restbeständen bzw. den Voraussetzungen einer zu erneuernden (und wenn dies je möglich sein sollte: gesunden, d.h. nicht verleugneten, aber auch nicht wahnhaft übersteigerten) deutschen Identität zu suchen. Der Verfall Deutschlands, der in kultureller Hinsicht vielleicht schon mit der Reichsgründung beginnt und sich politisch entlang der Jahreszahlen 1918, 1933, 1945, 1968 nachzeichnen läßt (1989 harrt noch der genaueren Deutung aus weiterem Abstand), hat wenig übrig gelassen, an das sich bruchlos und selbstverständlich anknüpfen ließe, und es gibt kaum historische Vorbilder für ein produktives Niederlagendenken im Fall der äußersten Katastrophe – etwa das antike Judentum, dessen Propheten aus der Zerstörung Israels durch die Babylonier nicht den, im religiösen Kontext der Antike naheliegenden, Schluß zogen, daß sich die Götter der Feinde als dem eigenen Gott überlegen gezeigt hätten, sondern daß Niederlage und Exil Folgen des Abfalls von Jahwe gewesen seien, der durch besonderen Gehorsam wieder begütigt werden müsse. Durch diese Denkfigur konnte immerhin die religiöse Identität als Voraussetzung einer künftigen politischen Wiederaufrichtung bewahrt und sogar gestärkt werden.

Für die Deutschen sieht es nach 1945 düster aus, und diese Düsternis hat sich nun, da die geistigen Vermögenswerte und womöglich auch bald die materiellen, auf deren kontinuierlicher Steigerung und Umverteilung der relative Erfolg der Bonner Republik beruhte, verschleudert sind, zu einem bedrückenden Zustand gesteigert. Wer heute durch eine deutsche Großstadt geht, eine Zeitung der Mainstream-Presse aufschlägt oder den Fernseher anschaltet (sofern man so etwas noch in seinem Hause duldet), fühlt sich besiegter denn je.Und doch könnte es auch heute noch geistige Sonderwege geben, die von kleinen „Traditionskompanien“ (Erich Bräunlich) beschritten werden: Ich denke hier vor allem an die poetische Idee eines „Geheimen Deutschland“, die nicht zufällig während des Ersten Weltkriegs formuliert wurde, als das damals offizielle Deutschland unterging (und von ihren Verfechtern wie Stefan George, Karl Wolfskehl und Norbert von Hellingrath auf Hölderlin als Ahnherrn bezogen wurde, der Deutschland um 1800, ebenfalls in einer Zeit tiefer nationaler Erniedrigung, geistig neu gründete).

Stellt die Niederlagenverarbeitung der jüdischen Propheten so etwas wie einen „moralischen Sonderweg“ dar (der womöglich bis zum Holocaust fortwirkt, welcher ebenfalls eine Katastrophe ist, die – für das heutige Judentum und über dieses hinaus für die moderne „Zivilgesellschaft“ – eine enorme identitätsstiftende Wirkung besitzt), so kann man das „Geheime Deutschland“ in gewisser Weise als „ästhetischen Sonderweg“ ansehen. Dies soll freilich nicht heißen, daß Deutschland aus dem Geiste des George-Kreises zu erneuern wäre, sondern daß zur deutschen Tradition, die durch das Jahr 1945 wie durch eine Mauer getrennt ist, heute vielleicht vor allem noch ästhetische Wege führen, solche der unmittelbaren Anschauung und des unvermittelten, ungefilterten Erlebens. Solange uns die überlieferten Zeugnisse deutscher Kultur noch zu Erlebnissen werden können, solange einigen von uns etwa bei der Lektüre eines Gedichts, dem Betrachten eines Denkmals oder dem Begehen eines historischen Ortes nicht nur „warm ums Herz“ wird, sondern wir auch ein „Wir-Gefühl“ verspüren, solange sind wir doch nicht völlig besiegt. In solchem Erleben und dem durch die Reflexion von Erlebnis und Tabu, Erkenntnis und Dogma gesteigerten „Niederlagendenken“ besteht „der Vorsprung der Besiegten“.

Lektüre: Der Vorsprung der Besiegten von Baal Müller

jeudi, 05 mars 2009

Novembre 1941: la perestroïka de Staline

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - Octobre 1988

Novembre 1941: la "Perestroïka" de Staline

par Wolfgang STRAUSS

Rudolf Augstein va-t-il faire mentir l'histoire? "Stra-tège de bistrot", "handicapé de l'argumentaire", "im-bécile", "masochiste", "accoucheur de monstruo-sités": ce sont quelques-uns des traits hardiment dé-cochés par l'ex-artilleur Augstein contre le plus grand spécialiste allemand de l'histoire contem-porai-ne avec Helmut Diwald. La cible de cette philippique n'est autre qu'Ernst Nolte, à cause de son ouvrage Der europäischer Bürgerkrieg, 1917-1945 - Natio-nal-sozialismus und Bolschewismus  (= La guerre ci-vile européenne, 1917-1945 - National-socialisme et bolchévisme, Berlin, Propyläen, 1987). Augstein trai-te en outre le livre de Nolte de "subversion de la science" (Der Spiegel,  n°1/1988). Or, que nous pro--pose donc l'auteur de cette bordée d'insultes? Rien moins q'un viol de l'histoire. Surtout à propos de Staline. Augstein fait un contre-sens total sur la po-litique et sur les motivations du "petit père des peu-ples".

Certes, concède-t-il, Staline "a assassiné à tour de bras", il "a fait tuer à l'intérieur plus de monde qu'Hitler" (sic), "20 millions de personnes rien qu'entre 1934 et 1938". Mais il y a des réalisations gran-dioses au palmarès du Géorgien: l'industria-li-sa-tion, le maintien de la cohésion de l'empire, la mise en place d'une "dictature pédagogique", l'éradica-tion de l'analphabétisme…

Staline a vaincu les Allemands parce qu'il a fait vibrer in extremis la fibre patriotique des Russes

Il va falloir dorénavant se passer des lumières his-toriques d'Augstein, qui n'est qu'un amateur, même s'il est fort lu. Le voilà qui affirme tout de go que le Géorgien a vaincu Hitler et "ses généraux nazis" parce que le "système stalinien" disposait d'un im-mense potentiel de défense "révolutionnaire", en clair: communiste. Rien n'est plus faux. Staline n'a réussi -in extremis- à mobiliser les forces patrio-ti-ques, c'est-à-dire nationales-russes, qu'au prix d'un reniement complet de ses postulats idéologiques fon-damentaux. En peu de temps, le bolchévik Staline mit en scène une véritable perestroïka spirituelle et morale, un renversement total de son système de ré-férence: finie l'eschatologie communiste-marxiste, fi-ni l'internationalisme prolétarien. Retour au mes-sia-nisme russe, celui de la Grande Guerre Patrioti-que et Nationaliste. Staline, une fois encore, était tiré d'affaire. Pour entrer dans l'histoire comme le plus grand des rénégats.

Moscou, 7 novembre 1941: revue des troupes sur la Place Rouge. "Le monde regarde votre force", lance le Géorgien à ses soldats russes. "Vous avez une  gran-de mission libératrice à accomplir. Soyez-en di-gnes. La guerre que vous menez est une guerre de li-bération, et c'est une guerre juste". Pas un mot sur Marx et Engels. La Révolution mondiale? Passée aux oubliettes. Staline proclame le nationalisme rus-se comme la seule force légitime de survie. "Battez-vous comme se sont battus vos grands ancêtres: Nev-ski, Donskoi, Minine, Pojarski, Souvorov et Kou-touzov!". En 1812, le maréchal Koutouzov alla re-joindre ses troupes devant Smolensk dans un con-cert de cloches et de chorales. Et le 2 août 1914, le Tsar Nicolas II s'était agenouillé pour prier l'icône miraculeuse de la Vierge de Kazan dans son Palais d'Hiver de Saint-Pétersbourg. De même, l'athée Sta-line, en invoquant des ancêtres à la fois patriotes et chrétiens, relie un passé glorieux, pré-bolchévique, à un présent apocalyptique.

Le 7 novembre 1941, les Saints et les Martyrs de la Russie sont remis à l'honneur. En ce jour anniver-sai-re de la Révolution, l'histoire russe reprend ses droits. La conscience historique des sujets de Staline re-devient subitement patriotique. L'internationale s'est tue, le Manifeste communiste  de Marx se cou-vre de poussière. La religion d'Etat redevient le na-tionalisme russe, aux racines mythiques et religieu-ses. En comparaion, la perestroika  culturelle d'un Gorbatchev est une aimable plaisanterie, à la fois su-perficielle et terne.

Les Russes percevaient les Allemands comme des libérateurs

C'est la dictature stalinienne elle-même, ce qu'Aug-stein appelle la "révolution socialiste", qui, en s'ef-fondrant par sa propre faute, à l'été 1941, a contraint Staline à recourir au nationalisme russe. L'heure du communisme soviétique avait sonné. "Beaucoup, au-jourd'hui, oublient (ou feignent d'oublier car cela cadre mal avec l'"antifascisme" ambiant)", écrit Carl Gustav Ströhm, Allemand des Pays Baltes et com-patriote de l'auteur de ces lignes, "que de larges frac-tions de la population soviétique ont accueilli les Allemands en libérateurs, que des centaines de mil-liers de soldats de l'Armée Rouge ont changé de camp, à l'été et à l'automne 1941, et que des mil-lions se sont laissés capturer, bien souvent sans op-po-ser grande résistance. Ce n'étaient pas seule-ment des Ukrainiens ou des Baltes qui, eux, avaient quel-ques raiosns de saluer l'arrivée des Allemands; il y avait aussi d'innombrables Russes. La terreur stali-nien-ne avait laissé de telles cicatrices (c'était quel-ques années seulement après la collectivisation forcée et sanglante des terres) que de nombreux Russes étaient prêts à collaborer avec l'ennemi extérieur" (Die Welt,  26 septembre 1987).

Octobre 1941: les semaines les plus dures pour l'U-nion Soviétique. Au Kremlin, c'est une atmosphère de fin de règne. Staline, "l'homme d'acier", le "so-leil du prolétariat mondial", connait les affres du dé-clin. Le 3 octobre, il a dicté quelques lettres où il qué-mandait l'aide de Roosevelt et de Churchill. Puis il s'est tu jusqu'au début novembre. Le Premier Mi-nis-tre anglais et le Président américain lui écrivent, mais Staline ne répond plus. Smolensk est aux mains des Allemands. Kiev aussi, ainsi que l'Ukrai-ne centrale. Une douzaine d'armée, soit plus de six cent mille soldats de l'Armée Rouge, sont hors de combat. Le cœur industriel du Sud est perdu.

Staline demande aux Anglais de débarquer en Russie

Dans une lettre du 13 septembre, alors même que se re-ferme l'étau sur Kiev, Staline demande à Churchill de faire débarquer à Archangelsk, sans grand risque, 20 à 25 divisions britanniques, ou bien de les faire transiter par la Perse vers les territoires asiatiques de l'URSS "afin qu'elles combattent aux côtés des trou-pes soviétiques, sur le sol soviétique, comme el-les le firent au cours de l'autre guerre sur le sol fran-çais". Faut-il que le successeur de Lénine ait été aux abois pour mendier ainsi l'intervention de troupes que la jeune Armée Rouge de Lénine avait victorieu-se-ment affrontées lors des combats de 1918 à 1921! Mais l'Anglais refuse, faisant observer que les Etats-Unis d'Amérique vont entrer en guerre sous peu.

A Moscou, c'est la paralysie. Le moral n'y est plus. La confiance des sujets s'évanouit. Quand ils ne vont pas à la rencontre de l'envahisseur, bannières dé-ployées, ils lui offrent le pain et le sel. Par mil-lions! Et pas seulement les ethnies traditionnellement "peu sûres": Ukrainiens, Lithuaniens, Estoniens, Let-tons. On trouve parmi eux des Russes, des Bié-lo-russes des territoires occupés! Le 13 octobre, Ka-louga tombe, à 160 km au Sud-ouest de Moscou. C'était le pivot de la première ligne de défense avan-cée devant Moscou. Le 14, Borodino est dépassé. C'est à 100 km à peine de Moscou. L'endroit est his-torique, sacré: n'est-ce pas là qu'au siècle der-nier, la Grande Armée de Napoléon a frisé la dérou-te? C'est là que Staline voudrait stopper ce deuxième envahisseur venu de l'Ouest. En vain. La 32ème di-vi-sion sibérienne, division d'élite, meurt sur les hau-teurs de Borodino. C'était l'ultime espoir. Les Pan-zers de la 10ème division blindée allemande défilent devant le monument aux morts de Borodino et s'en-foncent dans les espaces enneigés jusqu'à la Mosco-va. Le verrou du dernier bunker saute. Le 19 octobre, Mojaïsk tombe. Or, la Chaussée de Mojaïsk con--duit tout droit dans la métropole de Staline. Plus que 100 km d'autoroute! "Mojaïsk est tombé, entend-on crier dans les rues de Moscou. Mojaïsk est perdu, les Allemands arrivent!".

Les Allemands n'atteignent pas Moscou, les Russes se sont ressaisis

Cinq jours auparavant, le 15 octobre, Molotov, Mi-nistre des Affaires Etrangères avait reçu Steinhardt, l'ambassadeur américain, pour lui annoncer que le Gou-vernement soviétique quitterait Moscou et que le corps diplomatique se replierait sur Kouibichev, à 850 km à l'Est. Lorsque la nouvelle fut connue, et lors-qu'on apprit que le tombeau de Lénine serait ex-trait de son Mausolée, ce fut la panique dans Mos-cou: "les Fritz arrivent".

Ce qui s'est passé alors, aucun livre d'histoire so-vié-tique ne l'a jamais raconté, alors même que des té-moins de cette époque sont encore en vie. Car à Mos-cou ce n'est pas seulement dans la crainte que l'on attend les "Fritz": certains Moscovites souhaitent leur venue.

"Les occupants des immeubles de la Chaussée de Mojaïsk tendent l'oreille au moindre bruit de che-nilles. Sont-ils déjà là? Pendant ces journées, tout reste possible à Moscou… Les nouvelles alarmistes se succèdent dans la ville… Le gouvernement a fui… Le pouvoir de Staline chancelle. Son portrait mê-me est décroché des murs; les premières cartes du Parti se consument. Des tracts simples, qu'on devi-ne confectionnées à la hâte, apparaissent soudain, au petit matin, dans les boîtes aux lettres: "Mort aux com-munistes!"… Le cœur de l'Union s'arrête. Tout le fanatisme du Parti, tous les tribunaux d'exception, toutes les exécutions ne peuvent, en cette fin d'oc-tobre, endiguer la décomposition de la ville. Les do-miciles des personnalités évacuées sont pillés. Des déserteurs s'y installent. Des blessés, des enfants, des jeunes gens échappés des équipes de travail, rô-dent çà et là. Moscou semble agoniser…".

Le témoignage de Mandel Mann

Ces lignes incroyables et pourtant si vraies, sont ex-traites des mémoires d'un instituteur de village, d'o-ri-gine juive polonaise, émigré en Russie en 1939. Le livre de Mandel Mann Aux portes de Moscou  parut d'abord en Israël avant d'être traduit dans presque tou-tes les langues et publié en Allemagne aux édi-tions Heinrich Scheffler de Francfort en 1961. Man-del Mann se souvient avoir assisté à certaines scènes:

"Une patrouille de six hommes en armes, trois de la Mi-lice et trois du NKWD, s'arrête devant une porte-cochère puis se replie lentement dans la rue Sadovaïa où elle disparaît dans l'entrée obscure d'une maison. Au bout d'un moment, les six hommes réapparais-sent, tête nue et sans armes. Sur leurs capotes mili-taires, les insignes de miliciens ont disparu"… "Les rats quittent le navire", leur lance une femme. "Ils peu-vent toujours courir, on les rattrapera! "…

Lentement, la foule forme un cortège; en tête, mar-chent les blessés, suivis des femmes et de tous les au-tres. Des rues adjacentes surgissent des gamins de quatorze ou quinze ans qui travaillaient jusqu'alors en usine. "Mort aux communistes!" hurle le porte-dra-peau. "La guerre est finie!", "Grâce te soit ren-due, Sainte Vierge, Mère de Dieu!".

Mais les "Fritz" ne vinrent pas. Où étaient-ils donc pas-sés? Ils avaient pourtant emprunté les autoroutes et les chaussées de la périphérie moscovite! A une heure de route à peine de la capitale!…

La victoire du général Hiver

Deux semaines plus tard, le 5 décembre. Un froid arc-tique a ralenti l'avance allemande. Des éléments de choc des 3ème et 4ème Armées blindées forment l'aile gauche du groupe d'armées Centre, décrivant un vaste arc de cercle au Nord et au Nord-Ouest de Moscou. Dans les faubourgs de Gorki, de Katiouch-ki, de Krassnaïa Poliana, les hommes de la 2ème Pan-zerdivision viennoise grelottent par 40° au-des-sous de zéro, à 16 km à peine des tours du Kremlin. A la lunette binoculaire, les chefs de régiments peu-vent observer la vie dans les rues de Moscou. Mais c'est un Moscou où, depuis le 7 novembre, le vent d'hi-ver a tourné, où souffle un nouvel esprit de ré-sis-tance qui puise sa force et son intransigeance dans le tréfonds immémorial du nationalisme russe. En un seul discours prononcé sur la Place Rouge enneigée, que les Allemands paraissent avoir oublié et que les historiens occidentaux ne commentent guère (car ils sont incapables de l'expliquer), Staline rendit à la na-tion russe son histoire, sa fierté et son identité à un moment historique où cette nation, ne pouvait plus croire qu'en des miracles. Des avions sovié-ti-ques largueront derrière les lignes allemandes des tracts reproduisant le texte du discours du 7 no-vem-bre, afin que les populations occupées sachent ce qui se passait à Moscou: une perestroika  de l'esprit et du cœur…

D'un point de vue "antifasciste", Staline fut un rénégat, un capitulard idéologique, un déviationniste. C'est vrai: Staline a heurté de front les vaches sa-crées de l'internationalisme marxiste-léniniste et trotz-kiste. Mais l'Histoire, elle, est du côté des vain-queurs, pas des gourous idéologiques. En réhabili-tant le nationalisme russe, en le sanctifiant et en l'é-levant au rang de religion d'Etat, Staline a sauvé l'em-pire. La Grande Guerre Patriotique —l'expres-sion évoque à dessein une autre "Guerre Patrio-ti-que", celle de 1812-1813— ne fut pas menée au nom de Karl Marx.

Augstein se trompe. Le potentiel révolutionnaire a sur-gi du nationalisme, pas du communisme. Du point de vue de la vulgate "antifasciste", Staline a réveillé et mobilisé précisément ces forces, valeurs, attitudes et idéaux "irrationnels" qu'un Jürgen Ha-ber-mas considère comme des "phénomènes préfascistes": conscience et fierté nationales, foi et fidélité, abnégation, esprit de sacrifice, amour du peuple et de la patrie, sentiment d'être prédestiné, et d'être uni-que au monde…

Wolfang STRAUSS.

(texte issu de Nation Europa, n°3/1988; traduction française: Jean-Louis Pesteil).

 

samedi, 21 février 2009

Simone Weil, la filosofia che si fa vita

Simone Weil, la filosofia che si fa vita 

Articolo di Marco Iacona
Dal Secolo d'Italia di martedì 3 febbraio 2009
È da tempo che stiamo riproponendo su queste pagine quegli autori di frontiera che rappresentano al meglio quella nuova sintesi verso la quale, nel suo esito post-totalitario, il Novecento auspicava nel profondo. È il caso di figure come Charles Peguy, Hannah Arendt, Albert Camus o l’Ernst Jünger del secondo dopoguerra. Figure nel cui pensiero si conciliava l’apparentemente inconciliabile: la spiritualità e la trasformazione politica, la libertà e la tradizione, la battaglia per i diritti sociali e l’adesione al principio di realtà. È questo anche, e soprattutto, il caso di Simone Weil, di cui proprio oggi ricorre il centenario della nascita. In Italia fu Adriano Olivetti a tradurne per primo alcune opere già nei secondi anni Quaranta e saranno, successivamente, Cristina Campo, Alfredo Cattabiani e Augusto Del Noce a valorizzarne l’importanza filosofica, in particolare la riscoperta moderna del platonismo. Un editore non di sinistra come Rusconi pubblicherà il fondamentale La Grecia e le intuizioni precristiane e, infine, le edizioni Adelphi di Roberto Calasso ne tradurranno quasi l’intera opera a cominciare dalle Riflessioni sulle cause della libertà e dell’oppressione sociale. Una pensatrice, la Weil, che sfugge a qualsiasi facile classificazione di natura ideologica: da ebrea si avvicinò alla fede cattolica, socialista e molto legata al sindacalismo rivoluzionario scoprirà che una vera rivoluzione s’invera nella religione, studiosa di livello sceglierà di andare a lavorare in fabbrica per sperimentare la questione sociale del Novecento.
Nata a Parigi nel 1909, allieva del filosofo Alain, fu all’inizio insegnante di liceo e militante sindacale e politica nell’ambito cristiano-anarchico e intrattenendo vari contatti internaziopnali, ospitando anche per un breve periodo il leader antistalinista Trotzkij. Fu poi esule in America, infine a Londra. Affetta da tubercolosi, morì nel sanatorio di Ashford in Inghilterra nel 1943 a soli 34 anni lasciando un’immensa produzione scritta che verrà pubblicata postuma. Il suo pensiero è caratterizzato da un forte principio di realtà, nonché dall’esigenza di ancorarlo al contesto sociale e politico di appartenenza (del quale sperimentava, spesso in prima persona, le condizioni). L’analisi filosofica di Simone Weil, asistematica e irregolare, difficilmente collocabile all’interno delle correnti tradizionali, ha purtroppo finito per passare in secondo piano rispetto al vissuto dell’autrice. Ci si trovava immedrsi, a suo dire, in un mondo moderno dove nulla è a misura dell’uomo, dove tutto è squilibrio e la società è collettività cieca, trasformata in una macchina per comprimere cuore e spirito e per fabbricare l’incoscienza. Separando il lavoro dalla conoscenza, la società moderna e soprattutto la società industriale, avervano aumentato enormemente la complessità della sua organizzazione, ponendo quindi le condizioni per un potere sempre più forte che tende a riprodursi anche là dove è stata fatta una rivoluzione. Emerge, già da queste sue analisi, il grande contributo weiliano a quel pensiero anti-totalitario e post-totalitario che è ancora oggi l’orizzonte sul quale si muove il dibattito pubblico. Ma veniamo a lei. Il suo stesso volto da eterna e pensosa giovane – i suoi occhi così grandi in un ovale imperfetto – ricorda una poesia triste, una poesia che raramente si legge in pubblico ma che ciascuno di noi ama ripetere fra sé e sé, alla ricerca di sottili verità. Verità umili e sofferte da sgranare come i chicchi di un Rosario. Come dicevamo, Simone oggi avrebbe cento anni, un’età patriarcale impossibile da raggiungere da una come lei che la vita la sudò fino all’ultima goccia. Nata e cresciuta in un mondo colmo di afflizioni ed ella stessa di salute cagionevole, interpretò la vita al pari di un vero grande scrittore contemporaneo, mescolando la teoria alla pratica, la fede – quella con la F maiuscola – alla parola, la speranza alla fatica, il lavoro al sublime pensiero. E mescolando, sopra ogni cosa, la cerca delle più grandi verità (così come viene fuori dai suoi Quaderni), alla preziosa ma passiva attesa che saranno esse stesse – le verità – a manifestarsi nel cuore degli uomini prima o dopo. Ci ha lasciato oltre che la forza di un pensiero innalzato sulle fondamenta della realtà sociale, l’immagine di una tenue dolcezza (e di un amore sincero): la compagna di una scelta di vita che obbliga al rispetto, quasi all’adorazione, da qualsiasi parte – quella scelta di vita – la si contempli e da qualsiasi parte si scelga d’ammirarla. La sua vita è stata un romanzo interrotto, forse, nel capitolo più bello. Simone Weil era stata tentata dal marxismo (ma mai scritta ad alcun partito), anarco-sindacalista e rivoluzionaria, una donna pugnace dunque che era partita volontaria per la guerra di Spagna già nel ’36, militando ovviamente fra le fila degli anarchici. Di professione era stata una insegnate di filosofia nei licei francesi fino al 1934, fino a quando cioè aveva capito che occupare una comoda sedia (pontificando su questo e quello), sarebbe stato solo un pratico lasciapassare per una buona carriera. Redditizia e borghese. Una carriera dimentica della rilevanza e della dignità dell’altro da sé, con la voce “giustizia” confinata all’interno di un freddo manuale di storia ad uso scolastico. Così aveva deciso di rimettersi in gioco, d’inventarsi salariata della Renault di Parigi per conoscere e toccare con mano le condizioni della classe operaia. Per dividere e condividere le sofferenze di chi a quel tempo sembrava davvero riassumere i mali di quella fetta di genere umano chiamato Occidente. Ovvio che i temi ricorrenti negli scritti della Weil (tutti usciti postumi a cura di padre Joseph-Marie Perrin e del grande pensatore cattolico Gustav Thibon con la collaborazione di Albert Camus), fossero quelli della miseria, della schiavitù e dell’oppressione. Ed altrettanto ovvio che uno dei suoi rimedi per porre fine alle condizioni sfavorevoli dei più deboli fosse quel vero, sano, umanismo calpestato da qualsiasi rivoluzione in qualunque epoca storica.
Nel 1934 Simone aveva scritto Riflessioni sulle cause della libertà e dell’oppressione sociale, una critica contro il capitalismo industriale; in esso aveva posto al centro della società il valore del lavoro non più rigidamente diviso in lavoro manuale e lavoro intellettuale, causa profonda secondo lei di ingiustizia. In Oppressione e libertà invece aveva denunciato alcune forme di varia oppressione, quella dovuta all’uso della forza, quella dovuta al capitale e quella dovuta appunto alla divisione del lavoro. Un giorno però messa a dura prova da un’esperienza professionale e di vita (il lavoro in fabbrica appunto), nella quale il semplice apporto volontaristico sembrava non essere più sufficiente, la giovane Weil imprime alle sue riflessioni e ai suoi modi una direzione in senso affatto teologico. Cristo? Sì il Cristo dei Vangeli venuto a redimere l’uomo… Lui poteva mostrarsi quale “pietra angolare”, capace di dar ragione alle sue sofferenze, capace di motivare le sue sopportazioni e di assegnare un significato alle infinite realtà e con esse al passato filosofico e al visto e al non-visto. Nel 1937 (non a caso ad Assisi), c’è così la svolta nella vita dell’agnostica Simone Weil. Quella crisi mistica che la condurrà a cercare anche con estrema durezza verso se stessa, una conoscenza diretta della Verità e della Bellezza, dunque – per lei – della divinità. La conoscenza di quel Dio la cui vicinanza è condizione essenziale perché l’uomo sconfigga l’infelicità che lo possiede, di quel Dio di fronte al quale è opportuno annullarsi e annullare il proprio io (“decreando” quello che lui ha creato limitandosi, cioè noi stessi). Di quel Dio che non va cercato, perché si incontra semplicemente non amando tutto ciò che Egli stesso non è. Di quel Dio che, infine, si manifesterà se impariamo ad accettarlo così com’è; e del resto come è opportuno che Egli stesso venga accettato.
Dal momento in cui Simone indirizza se stessa verso l’immenso fronte della spiritualità – e dal momento in cui sembra scrollarsi di dosso gli interessi più superficialmente politici a vantaggio di una riflessione sul senso dell’esistenza e del “noi fra gli altri” – i suoi studi si arricchiranno di pagine e pagine di testi sacri, dalle religioni orientali al Corano, dalla Bibbia alla Bhagavad-Gita. Scritti ancora poco conosciuti e tutti ancor meno studiati da molti filosofi di casa nostra. La Weil condiva però la sua forte attenzione verso le condizioni materiali dell’uomo con un altrettanto vigoroso pessimismo sociale. Le società contemporanee sono soltanto delle macchine, diceva, ove più nulla è fatto e pensato per essere a misura d’uomo. Quelli passati a lavorare in fabbrica – e poi dopo come contadina – saranno senz’altro anni duri ma decisivi per la sua formazione. D’altra parte, ed ancora dal punto di vista del pensiero della Weil, nessuna società giusta potrà fare a meno di fondamenta etico-religiose e di una tensione continua verso quei principi supremi – in primo luogo il Bene – che fanno di un popolo una società e che non possono basarsi sui requisiti di un determinismo a sfondo materialista che informa quasi tutta la filosofia di Marx. Un Marx a questo punto ben lontano dalle realizzazioni weiliane (chi ci dice che il proletario giunto al potere non opprima com’egli stesso era oppresso in precedenza?).
Ma la Chiesa di Roma, per una Simone concentrata sul rapporto fra creazione, fede e libertà, non è meno colpevole di quei regimi totalitari del Novecento contro i quali la scrittrice si era schierata per estrema coerenza (da ebrea fu costretta a fuggire dalla Francia di Vichy a rifugiarsi per poco tempo in America, e poi stabilirsi in Inghilterra ove morì). Una Chiesa nel cui grembo Simone non entrerà mai, rimandando il battesimo e con esso l’ingresso ufficiale nella comunità dei cristiani, rifiutando tutto quel che di feroce e oppressivo era stato avallato dalla Chiesa fino a quel dato momento. Ma forse Simone – morta troppo giovane – non ebbe il tempo per fare il passo definitivo.
Oppressione, debolezza e sofferenza: è questo il trinomio di tragica concretezza steso dalla professoressa Weil sulla lavagna della nostra e della sua contemporaneità, ed è questo il filo biografico che unisce la sua vita da esclusa a buona parte della primo Novecento. A un certo punto della sua vita Simone non riuscì – o semplicemente non volle – sottrarsi a una fine terribile, morire d’inedia per solidarietà con gli ebrei che morivano nella tristissima Europa degli anni Quaranta vittime della hitleriana “soluzione finale”. Magra e quasi del tutto irriconoscibile, era l’estate del 1943. Fu il gesto estremo di chi nella sua vita e col suo pensiero aveva dato pochi punti di riferimento. L’atto finale di chi con la morte aveva voluto cancellare gli unici rimasti che non fossero l’amore per il Dio universale e per la dignità dell’uomo.
Marco Iacona è dottore di ricerca in "Pensiero politico e istituzioni nelle società mediterranee". Si occupa di storia del Novecento. Scrive tra l'altro per il bimestrale "Nuova storia contemporanea", il quotidiano "Secolo d'Italia" e il trimestrale "la Destra delle libertà". Per il quotidiano di An nel 2006 ha pubblicato una storia del Msi in 12 puntate. Ha curato saggi per Ar e Controcorrente edizioni. Nel 2008 ha pubblicato: "1968. Le origini della contestazione" globale" (Solfanelli).

jeudi, 12 février 2009

"Unternehmen Patentenraub" 1945

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Georg, Friedrich
›Unternehmen Patentenraub‹ 1945


Die Geheimgeschichte des größten Technologieraubs aller Zeiten



368 Seiten
194 Abbildungen
Leinen
Lexikonformat
ISBN-13: 978-3-87847-241-4 - 19,80 Euro


z.Zt. vergriffen, Neuauflage voraussichtlich 03/2009

Verdanken die USA ihren Aufstieg zur Technologie-Supermacht den geraubten deutschen Patenten und Erfindungen?


Kurztext:

Der militärische Sieg der Alliierten über Deutschland 1945 und die Besetzung des Reichsgebietes hatten auch die Folge, daß vor allem die USA anschließend Hunderttausende deutscher Patente, Erfindungen und Gebrauchsmuster beschlagnahmten und entschädigungslos enteigneten. Dieser Raubzug war schon einige Jahre vorher von Washington generalstabsmäßig geplant worden. Denn man hatte erkannt, daß die Deutschen den Westmächten in der Grundlagenforschung und in der Entwicklung neuer Ideen auf fast allen Gebieten der modernen Wissenschaften und Technikbereiche um Jahre voraus waren. Nur durch den Raub deutschen Wissens und jahrelange Zwangsarbeit deutscher Wissenschaftler und Techniker in den USA war es möglich, daß die Vereinigten Staaten ihre Wirtschaft und Rüstung auf neue Grundlagen stellen und an die Spitze der Entwicklung kommen konnten.

Dieses Buch beschreibt ausführlich Vorbereitung, Durchführung und Folgen des größten ›Patentenklaus‹ der Geschichte. Im einzelnen werden für die verschiedenen Sachgebiete an vielen Beispielen mit Nennung der Verantwortlichen die Vorgänge des alliierten Diebstahls deutschen geistigen Eigentums und der Zwangsverpflichtung deutscher Forscher und Techniker geschildert. Es zeigt sich, daß die modernen Neuerungen wie Farbfernsehen und Transistortechnik, Raumfahrt und Raketen, Überschallflug und Computer auf deutsche Erfindungen und Entdeckungen zurückgehen, mit denen die US-amerikanische Wirtschaft anschließend Milliardengewinne machte.

Langtext:

Bis heute wird weltweit verschwiegen, daß die USA ihren steilen Aufstieg vom technisch weitgehend veralteten Massenhersteller, der keine Grundlagenforschung betrieben hatte, zur ›einzigen Weltmacht‹ nach 1945 dem aus dem vollkommen besetzten Deutschland gewaltsam mitgenommenen geistigen Eigentum verdanken. Die amerikanische Führung hatte früh bemerkt, daß das Deutsche Reich in Wissenschaft und Technik den anderen Nationen um Jahre voraus war und eine unglaubliche Fülle neuer Forschungsergebnisse und Verfahrensweisen zu bieten hatte. Unter Leitung und ausdrücklicher Genehmigung von US-Präsident Truman kam es nach Kriegsende zum größten Technologieraub aller Zeiten. Höchste amerikanische Gremien aus Industrie und Wissenschaft hatten vorher die Operation zur Ausbeutung der deutschen Wirtschaft und Technik von langer Hand gemeinsam generalstabsmäßig geplant und durchgesetzt.

Tausende von US-Spezialisten kamen im Frühjahr 1945 dicht hinter der Front ins Reich und durchkämmten die deutschen Betriebe nach neuen Maschinen, Verfahren und technischen Erfindungen. Außer der vollständigen Wegnahme von Hunderttausenden von deutschen Patenten, Gebrauchsmustern und Entwicklungsskizzen nahmen die Amerikaner dazu noch Tausende von deutschen Forschern und Technikern einfach mit, die dann jahrelang zur Forschungsarbeit und zur Bedienung der neuen deutschen Geräte in den USA gezwungen wurden. Die Überführung neuartiger Technologien – ein einmaliger und mehrere Jahre währender skrupelloser Raubzug in Deutschland – sollte auf diese Weise die amerikanische Industrie revolutionieren und den Absturz in eine neue Depression verhindern, wie es der US-Wirtschaftsminister 1946 erklärte.

Das ›Unternehmen Patentenraub‹ war so erfolgreich, daß das moderne Leben in den USA von den Halbleitern bis zum Container, vom Fernsehen bis zum Raumflug ohne die aus Deutschland mitgenommene Technik gar nicht denkbar wäre. Dasselbe gilt für die militärischen Neuerungen wie Raketen, Düsenjäger, U-Boote und Nuklearwaffen. Trotz aller Vertuschungsversuche ist es in dem vorliegenden Buch gelungen, den Versuch einer Bilanz dieses größten Wissensraubes aller Zeiten zu ziehen.

Mit dem Diebstahl der Hunderttausenden von deutschen Patenten und Erfindungen gelang den USA nach Ende des Zweiten Weltkrieges ein absolut beispielloser Coup. Seine Auswirkungen sind auch noch im 21. Jahrhundert deutlich spürbar. Folgende Fragen drängen sich auf:
- Wären die USA 1945 trotz ihres überwältigenden Sieges ohne den geistigen Raub an den Deutschen zum zweitklassigen Technologieland abgestiegen?
- Erteilte US-Präsident Truman in Kenntnis der Rückständigkeit der USA seinen Besatzungstruppen eine rückwirkende ›Lizenz zum Stehlen‹ aller nutzbaren deutschen Erfindungen?
- Kannte man schon Jahre vorher in Washington die wissenschaftliche und technische Überlegenheit der Deutschen, und hatte man deswegen früh mit den generalstabsmäßigen Planungen für die ›Operation Patentenraub‹ begonnen?
- Wie lief die systematische Jagd auf Deutschlands geistiges Eigentum sowie auf seine Forscher und Techniker wirklich ab?
- Trifft es zu, daß schweigsamen deutschen Erfindern noch 1948 die Todesstrafe drohte, wenn sie ihre Geheimnisse nicht verraten wollten?
- Wird die Zahl der 1945 in Berlin eingesackten Patente nachweisbar viel zu niedrig angegeben?
- Warum war Professor Ferdinand Porsche so wichtig?
- Welches Geheimnis versteckt sich bis heute im massenhaften Import von deutschen Spitzenwissenschaftlern zur Forschungsarbeit in die USA?
- Wie sind wichtige Zukunftstechnologien wie Magnetband, Computer, Fernsehen und Transistortechnik wirklich entstanden?
- War die synthetische Benzinherstellung von Leuna ein Kriegsgrund?
- Ist Präsident Bushs sensationeller Weltraumbomber wirklich so neu?
- Ist der Wert der von den USA aus Deutschland mitgenommenen Patente und Erfindungen so astronomisch, daß heute niemand aus Wirtschaft und Politik darüber sprechen darf?

Inhaltsverzeichnis:

Einleitung
Die fünfte Technologiewelle des Industriezeitalters 11

Vorspann
»Nazigehirne helfen der USA« - 13

1. Kapitel
Warum die deutschen Patente und Entwicklungen für die USA so wichtig waren 17
A. 1937–1944: »Krieg wäre jetzt ein gutes Geschäft...« - 19
Rettete der Zweite Weltkrieg die USA vor einer neuen Depression? - 19
B. Die Durchsetzung des wirtschaftlichen Liberalismus im Welthandel - 25
»Es konnte nur Einen geben«:
die wirtschaftliche Systemkonkurrenz USA/ Deutschland von 1933 bis 1941 - 25
Die Unterwerfung der deutschen Wirtschaft unter den amerikanisch beherrschten Freihandel - 26
C. Veraltet in die Zukunft? Das Technologiedefizit der USA und seine unkonventionelle Aufhebung - 29
Uneingeschränkte wirtschaftliche Vorherrschaft mit tödlichem Risiko - 29
War Amerika 1945 zum zweitklassigen Technologieland abgestiegen? - 30
›Planned Obsolescence‹ oder gerade noch mal Glück gehabt – 35
D. Die Geburt des Projekts zur Sicherung der technologischen Herrschaft Amerikas - 41
Böse Vorzeichen – 41
Vannevar Bush bläst zur Jagd auf das deutsche geistige Eigentum - 43

2. Kapitel
Wie das ›Unternehmen Patentenraub‹ organisiert war 47
Exekutivorder 9604 - Präsident Trumans »Lizenz zum Stehlen« - 49
Ordnen, verteilen - und vernichten - 52
Bund der Diebe - 55

3. Kapitel
Die Heuschrecken werden auf das Feld gelassen 63
A. Das Dokumentenprogramm - 65
»Nach dem Ende des Zweiten Weltkriegs 1945 stellte das Patentamt seine Tätigkeit ein ... « - 65
Das Schatzschloß - 71
Das ›Air Documents Research Center‹ - 71
Wurden alle gefunden?
Die geheimen Mikrofilmverstecke von Süddeutschland - 72
Bis heute geheim, die Akten der Reichspostforschungsanstalt - 73
Auf der Suche nach Kammlers SS-Schatz:
bewaffnete US-Expedition in die Tschechoslowakei 1946 - 74
Das verschollene ›Bernsteinzimmer der Technik‹ - 78
Eine astronomische Menge von Beute - 81
B. Ausforschungsberichte. Die gnadenlose Jagd auf Ideen und Betriebsgeheimnisse - 83
Wenig feine Methoden der ›Befreier‹ - 83
Der schnelle Vogel fängt den Wurm – 84
Die ›Heuschreckenliste‹ vom Sommer 1945 - 85
Jeder ist sich selbst der nächste - 88
Wie die Alliierten sich gegenseitig betrogen - 89
Der ›lange Arm‹ kannte keine Grenzen - 93
C. Die Entnahme von Mustermaschinen - 94
Das weiße ›M‹ - 94
Mahles Magnesium-Spritzgußmaschine:
ein Beispiel für den amerikanischen Umgang mit technischer Beute - 96
D. »Letzter Aufruf nach Deutschland« oder: als den »Heuschrecken« das Futter ausging. . . - 98
Der Wind beginnt sich zu drehen: der ›Fall Österreich‹ - 98
Angst vor deutscher Zivilkonkurrenz - 99
Der harte Weg, einen unkontrollierten Diebstahl zu stoppen - 99
1948: Todesstrafe für schweigsame Erfinder - 101
Zu schön um aufzuhören: die Nachfolger von CIOS und FIAT - 103
E. Wissenschaftler wie Waren importiert: der systematische Transfer lebendigen Wissens 1945–1949 - 107
Die große ›Zielscheiben‹-Jagd beginnt - 107
Rechtmäßige menschliche Beute - 108
Ein Nobelpreisträger protestiert gegen unlautere Abwerbungsmethoden - 110
Legitimation durch Nutzen - 111
Die große Untertreibung – oder wie viele deutsche Spezialisten arbeiteten wirklich für die USA? - 114

4. Kapitel
Die ›Faust der Technik‹ wird geschmiedet – deutsche Erfindungen revolutionieren die amerikanische Industrie 117
A. Die neue Technologie wird ›amerikanisch‹ oder das Erlernen einer neuen Sprache - 119
Wie das Erlernen einer neuen Sprache - 119
»Deutschland spuckt seine üppigen Geheimnisse aus« - 121
Die Überlegenheit der deutschen Forschung war 1947 mit damaligen Mitteln selbst mengenmäßig kaum in den Griff zu bekommen - 128
Wie lange brauchte man mit der Auswertung? - 129
B. Alles nur geklaut? Ausgewählte Beispiele für wichtige Zukunftstechnologien deutschen Ursprungs - 132
Sektion A: Rettet das Erdölmonopol! Synthetisches Benzin gefährdet(e) die britisch-amerikanische Ölgeopolitik - 132
Kriegsgrund Kohleverflüssigung -132
Die Tragödie der Kohleverflüssigung und der synthetischen Benzinherstellung: gestohlen, verboten und ›vergessen‹ - 137
Ölschiefer – ein deutsches Geschenk für die USA - 147
Synthetische Öle und Superschmiermittel - 149
Sektion B: Chemie beherrscht(e) die Welt - 151
Die Amerikanisierung der Antibabypille - 156
Sektion C: das Reich der Metalle - 158
Container oder die Blechkiste, aus der die Globalisierung ist - 158
Altstoff wird Rohstoff: Aluminiumschrott-Recycling - 161
Die Hochtemperaturlegierungen von ›Project RAND‹ - 162
Supermetalle - 163
Sektion D: Optik - 165
Die revolutionäre Welt der Mikroskopie - 165
Das ›Photophon‹ - 167
Wer entwickelte die Kameras für Aufklärungssatelliten? - 168
Sektion E. Neue Medien und Kommunikationstechnologie - 169
Der Agfa-Farbfilm – 169
Die Wiedererfindung der Scheibenantenne - 170
Die Einführung der Magnetbandtechnologie - 170
Das ehemalige deutsche Monopol in der Fernsehtechnik - 172
Farbfernsehen - 175
Miniaturfernsehkameras mit Sender - 177
Hochauflösendes Fernsehen (HDTV) - 179
Weitere Pionierleistungen der Fernsehtechnik - 179
Die geheime Schatzkammer der Nachrichtentechnik von Burg Feuerstein - 180
Geheime Kommunikationssysteme - 181
Spracherkennungstechnologie (automatische Stimmerkennung) - 182
Die Magier von Fort Monmouth - 184
Infrarottechnologie - 185
Sektion F: Die digitale Welt, wie sie wirklich entstand - 188
Das Geheimnis der Quarzuhren - 188
Röhren zur Informationsspeicherung - 189
›Alternative Zwei‹ oder: wie Siliziumtechnik, Halbleiter und Transistor wirklich entstanden - 190
Das Geheimnis der ersten Digital-Computer - 200
Rechner mit Elektronenröhren - 205
Der rätselhafte Aufstieg der Firma IBM - 207
Sektion G: Neue Konzepte für Fortbewegungsmittel auf Land und Wasser - 208
Turbinenantrieb für Landfahrzeuge - 208
Die Sequenzenräder von Le Tourneau - 212
Fakt oder Fiktion: Nuklearantrieb für Landfahrzeuge - 217
Gasturbinenantrieb für Schiffe - 219
Das Tragflügelboot - 222
Technisch abgeschlagen:
die Probleme der amerikanischen U-Boot-Technik - 224
Die amerikanischen ›U-Boot-Revolutionen‹, Mythos und Wahrheit - 228
Plötzlicher Ideenmangel oder:
Die dritte ›amerikanische U-Boot-Revolution‹ fällt aus - 235
Sektion H: Wie die US-Luftüberlegenheit wirklich entstand, und was dahinter verborgen wurde - 237
Republic P-47M ›Thunderbolt‹ – Sinnbild amerikanischer Technologie 1944/45 - 237
Zwei Züge – zwei Schätze - 238
Erst 1970 freigegeben: Krieghoffs Experimentalbordwaffen - 241
Das traurige Geheimnis der amerikanischen Luftfahrttechnologie 1945: »nicht die beste, nur die größte...« - 242
»Gemein, gemein, gemein!« (wicked, wicked, wicked) - 247
Rettung in letzter Minute für das amerikanische Düsenprogramm 247
Wie Howard Hughes die US-Luftwaffe 1948 mit deutscher Technik vorführen wollte - 254
Das Geheimnis von Volkenrode oder:
Amerikas ›zweites Manhattan-Programm‹ - 255
Die erste Höhenprüfstandsanlage der Welt geht in die USA - 262
»Wackelt mit den Tragflächen, Jungs!« – Die sichtbaren Folgen der Übernahme deutscher Luftwaffentechnologie - 263
Die Flächenregel – Wie genial war Mr. Whitcomb wirklich (Teil 1)? - 282
Die rechtzeitige Wiedererfindung des superkritischen Pfeilflügels – eine Waffe im transatlantischen Handelskrieg oder:
Wie genial war Mr. Whitcomb wirklich (Teil 2)? - 284
Der ›schiebende Flügel‹ - 285
Triebwerke mit weltumspannender Reichweite – wo sind sie geblieben? - 286
Pfeilblatt – Rotortechnologie
Nach 50 Jahren aus dem Dornröschenschlaf erweckt - 286
Der Pate des ›Warzenkeilers‹ (Warthog) oder:
Wie die USAF aus einer Klemme befreit wurde - 287
Tarnkappe für Flugzeuge - 290
Sektion 1: Wernher von Braun kam nicht allein - 298
Beispiele von Spitzenleistungen durch ›Paperclip‹-Wissenschaftler für die USA - 298
Präsident Bush und sein ›Weltraumbomber‹ - 305
C. Merkwürdige Begebenheiten - 308
Schnellzuglokomotive mit Einzelachsantrieb - 308
Gekränkter Sportehrgeiz?
Die alliierte Entzauberung der Silberpfeile - 308
Die Kosmetikindustrie Mission (Cosmetic Industry Mission) - 312
Rettet den ›Teddybär‹ - 313
Automatische Postsortierungssysteme:
Habsucht und Dummheit hemmen den Fortschritt - 313

5. Kapitel
Bilanz des größten Raubes aller Zeiten 317
Die größte Schatzsuche der Welt - 319
Jubel in der New York Times - 322
Der deutsche Einfluß auf die RAND-Denkfabrik - 324
Deutsche Erfindungen wertlos«! - Großkonzerne als Leugner - 324
Die Außerirdischen waren es – Hilflose Erklärungen für den plötzlichen Technologiesprung? - 325
Für immer vernichtet? Die Folgen von Pfuscherei und Dummheit - 325
Die Grenzen des Ausbeutungsprogramms - 326
Versuch einer finanziellen Bilanz - 328
Militärische Vorherrschaft durch ehemalige deutsche Technik - 329
Hundert Jahre voraus? - 330
Akten geschlossen? - 330
Keine Weltwirtschaftsdepressionen dank deutscher Technologie? - 331

6. Kapitel
Rechtsstaatlich gelöst? 333
Die Jagd auf Patente oder: Müssen Ideen geschützt werden? - 335
Massiver Verstoß gegen das Völkerrecht - 335
Der größte Diebstahl der Weltgeschichte wird abgesichert - 336
Patentverletzungen bis heute aktuell: 1,52 Milliarden Euro Schadenersatz für ein einziges Patent - 338

7. Kapitel
... und es geht immer weiter 341
Neo-›Paperclip‹ statt Antiterrorkampf? - 343
Die digitale Version vom ›Unternehmen Patentenraub‹ - 344
Wie Boeing wieder Weltspitze wurde - 346
Die Faust der Technologie - 348
Diebstahl geistigen Eigentums als Grundlage und Teil des amerikanischen Wirtschaftsmodells - 350

lundi, 09 février 2009

Les Etudes rebatiennes

Association littéraire: Les Etudes Rebatiennes

Novopress, 5/2/2009 : "Les Deux étendards, chef d’œuvre classique et maudit.

Qu’est-ce qu’un livre classique ? C’est « une œuvre contemporaine de tous les âges » comme le disait Sainte Beuve. Échappant au contexte qui l’a vu naître, sans prétendre illusoirement à l’intemporalité, le classique traverse les modes et les aléas de l’histoire. C’est un texte qui parle à l’intelligence et au cœur. Les deux étendards serait-il resté un classique méconnu du fait de la conspiration du silence engendrée par les opinions politiques scandaleuses de l’auteur ? Nous le pensons. Nous en avons l’intuition.

Mais une intuition, même partagée par des esprits prestigieux, demande à être élaborée. Or, seul le tamis du travail d’exégèse et du commentaire critique que les Etudes rebatiennes se proposent d’engager aujourd’hui permettra, notamment en arrachant la littérature au politique de qui en masque la substance, de transformer cette intuition en certitude incontestable. Nous espérons que la publication d’inédits, de témoignages et d’entretiens, l’organisation de colloques en apporteront les preuves définitives.

C’est pourquoi les Etudes rebatiennes ont été fondées. Elles se donnent pour tâche de contribuer au rayonnement de l’œuvre littéraire de Lucien Rebatet. Les Etudes rebatiennes s’adressent donc aux amoureux de la grande littérature.

La revue
Les Etudes rebatiennes se structurent de la manière suivante : 1) Inédits 2) Entretiens et témoignages 3) Articles ; actualité rebatiennes ; vie de l’association. Toutes les contributions sont les bienvenues à condition qu’elles soient œuvres de qualité élaborées par des personnes compétentes. Le premier numéro sortira dans un an.

Renseignements, abonnements :
etudesrebatiennes@gmail.com

jeudi, 22 janvier 2009

Henri DE MAN: Souvenir d'Ernst Jünger

 

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES / VOULOIR (Bruxelles) - Juillet 1995

 

 

Souvenir d'Ernst Jünger

 

Henri DE MAN

 

 

J'ai toujours trouvé le roman allemand, dans son ensemble, très inférieur aux romans français, anglais, russes, américains ou scandinaves. Ceci vaut, à plus forte raison, pour la nouvelle, qui exige plus encore les qualités d'objectivité et d'ordonnance concentrée qui sont à l'opposé de celles qui font le génie allemand. Le Faust de Gœthe n'a son équivalent dans aucune littérature, et il ne se passe guère deux ans sans que je le relise; par contre, l'Allemagne n'offre rien de comparable à Stendhal, Thackeray, Tolstoï, Poe ou Björnson; moins encore à Maupassant ou Tourguenieff.

 

 

Cette opinion est depuis si longtemps ancrée en moi qu'une espèce de parti pris me retient de m'intéresser à n'importe quel livre de "fiction" en allemand. Pourtant, au cours de ces trois dernières années, deux fois le hasard m'a fait faire une exception, et deux fois j'eus lieu de m'en réjouir. D'abord, le hasard d'un cadeau reçu me fit connaître Emil Strauss, dans des nouvelles d'une grande sensibilité et d'un style impeccable. Ensuite, le hasard d'une rencontre avec l'auteur  —le Capitaine Ernst Jünger, avec qui je passai une soirée chez des amis à Paris—  m'amena à lire son dernier livre paru, Gärten und Strassen (paru en traduction française, je crois, sous le titre Routes et Jardins). Depuis longtemps, je n'avais plus lu de livre qui m'eut fait autant de plaisir, et qui m'eût été plus sympathique. Et d'abord, il est d'une forme très soignée. C'est chose rare en Allemagne, ou il se publie beaucoup de livres pleins de substance, mais mal écrits, à l'opposé de la France, qui est inondée de livres bien écrits mais creux. La phrase est ciselée avec un sens du rythme qui est presque poétique, et qui surprend d'autant plus agréablement qu'il s'agit de prose authentique, concise, précise, transparente.

 

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Quant au contenu, j'ai trouvé dans ce journal qui chevauche sur la fin de la paix et le début de la guerre  —d'avril 1939 à fin juillet 1940—  le reflet d'une personnalité que j'avais déjà trouvée singulièrement attachante en chair et en os. Ernst Jünger est fils d'un apothicaire hanovrien; et on n'est pas plus Allemand du Nord, ni plus fils de son père. Un petit homme blond, maigre et sec, à l'aspect réticent, qui parle posément et doucement; qui dès son entrée dans une pièce s'en va flairer l'atmosphère et fureter du côté des bibelots, qu'il palpe de ses doigts presque caressants; qui parle des choses les plus profondes comme des plus banales avec le même souci de justesse et d'économie dans l'expression, comme un professeur de mathématiques qui exposerait un théorème.

 

Cependant cet homme à l'aspect timide et placide est un grand soldat et un grand poète. Pendant la première guerre mondiale, il accomplit tellement d'actions d'éclat qu'il se trouva être le seul lieutenant d'infanterie a obtenir l'Ordre Pour le Mérite, la plus haute distinction de l'Empire; et en 1939, il saisit l'une des rares occasions qui se présentèrent sur le front du Rhin pour mériter une nouvelle croix de fer. Pourtant, son journal de guerre n'a rien d'une Chanson de Roland; ce sont les annotations, au jour le jour, d'un officier qui aime le service, certes, comme on aime un devoir, mais qui aime surtout ses hommes. D'ailleurs, il reste homme lui-même au point de s'intéresser à tout ce qu'il voit, même et surtout aux choses qui n'ont aucun rapport avec le drame dont il est témoin avant que d'en être acteur. Ainsi, il parle de ses contacts avec des civils ou des prisonniers français, comme de ceux avec des militaires allemands, d'une façon qui fait oublier qu'il s'agit de deux nations en guerre. Et il ne manque aucune occasion de sacrifier à sa passion d'entomologiste en se livrant, surtout en forêt, à ce qu'il appelle la "chasse subtile".

 

 

Ce qu'il y a en moi de l'ancien officier s'est réjoui de trouver, dans les confidences de ce capitaine allemand, une étonnante similitude de réactions et de conceptions quant à la grandeur et la servitude militaires. Son récit fourmille de traits  —notamment à propos de la discipline, du moral de la troupe, de l'éthique de la guerre, des réactions psychologiques en général—  qui correspondent tellement à ma propre expérience que j'aurais voulu pouvoir les exprimer à sa place, et aussi bien. Jünger dit à ses soldats que quand ils trouvent dans une maison abandonnée des cuillers dont ils ont besoin, ils peuvent en prendre une; mais s'il y en a en argent et en étain, ils doivent se contenter de la cuiller d'étain. Quand il quitte la cure d'un village ardennais où il avait été cantonné, le curé dit qu'il est triste de devoir se séparer quand on commence à peine à se connaître; Jünger commente simplement: "Cela me fit plaisir; dans les cantonnements, je m'en vais toujours un peu à la chasse aux hommes". Sur le même thème, cette méditation: "Le rapport entre le logeur et le soldat est particulier, en ce qu'il est encore régi, comme le droit sacré d'asile, par les formes de l'hospitalité primitive, que l'on accorde sans égard de personne. Le guerrier a le droit d'être l'hôte dans n'importe quelle maison, et ce privilège est l'un des plus beaux que confère l'uniforme. Il ne le partage qu'avec les poursuivis et les dolents".

 

 

A propos d'une femme qui se lamente près du cadavre de son mari: "De cette façon, on apprend à connaître aussi l'effet indirect des projectiles, qui sans cela échappe au tireur. La balle touche beaucoup de gens; on voit tomber l'oiseau et on se réjouit de voir s'éparpiller les plumes; mais on ne voit pas les œufs et les jeunes et la femelle dans le nid où il ne retourne plus". Dans Laon abandonné où il a été détaché avec sa compagnie pour y improviser une Kommandantur, il va installer des gardes dans les bâtiments les plus exposés au pillage. Aux archives, il se plonge dans la lecture des autographes, où il trouve notamment des lettres du Maréchal Foch. "On les avait jointes au moyen d'une épingle, selon la manière déplorable des bibliothécaires français; l'épingle ayant taché le papier de sa rouille, je me suis permis de l'enlever". Il ne s'agit dans tout cela que de détails quelquefois infimes, mais toujours significatifs. Le détail significatif est d'ailleurs la méthode d'évocation employée dans ce livre, et qui fait son charme.

 

 

Après avoir rencontré Ernst Jünger d'abord, lu son livre ensuite, je me suis surpris à penser: "Toi, je voudrais t'avoir presque indifféremment sous moi comme officier subalterne, au-dessus de moi comme chef, ou en face de moi comme adversaire". Je sais fort bien ce que pareille pensée comporte d'atroce; mais je sais aussi que pour beaucoup d'hommes qui ont fait la guerre, elle ne sera que trop compréhensible. La guerre est un destin contre lequel on peut se révolter, mais que l'on ne peut pas fuir; et le droit à la révolte n'appartient qu'à ceux qui n'ont pas esquivé le devoir. Le pacifisme est un titre que les hommes de ma génération n'auront pu, pour leur malheur, conquérir qu'en combattant.

 

 

Je viens de dire que j'aime presque autant m'imaginer Jünger en face de moi que du même côté. Réflexion faite, je crois que l'expression a quelque peu dépassé ma pensée. Je me souviens qu'en causant avec lui, je lui demandai sur quels fronts il avait combattu de 1914 à 1918: or. après avoir constaté qu'il n'avait jamais pu me faire face, je me sentis indubitablement soulagé. Et il me vint soudain à la mémoire une bribe d'un poème, appris jadis par cœur à l'école:

 

" Ah ! que maudite soit la guerre

Qui fait faire de ces coups-là ! "

 

 

Cette malédiction est la conclusion à laquelle je voulais principalement arriver.

 

mercredi, 17 décembre 2008

Robert Poulet

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Robert Poulet

trouvé sur : http://archaion.hautetfort.com

Auteur en 2003 d'une monumentale biographie de Robert Poulet (1893-1989), l'historien et éditeur Jean-Marie Delaunois a eu l'excellente idée d'en proposer une version abrégée qui permet au lecteur de se forger une opinion sur cet homme ô combien paradoxal. Il a dépouillé une imposante documentation, souvent inédite (notamment L’Oiseau des tempêtes, les mémoires de Robert Poulet) et rencontré tous les témoins de ce parcours si singulier, de la gloire à l’exil. Delaunois étudie le cas Robert Poulet dans toutes ses dimensions : esthétiques (du dadaïsme juvénile au classicisme de la maturité), éthiques (des dérives des années 20 au rigorisme catholique), politiques (du " fascisme occidental " à l’anarchisme de droite), etc.

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Né à Liège dans la bourgeoisie catholique, Robert Poulet aura tout connu au long de son existence: les études d'ingénieur des Mines, la découverte de Wagner à 18 ans, le front des Flandres où il gagne ses galons d'officier au mérite, la vie de bohème dans la France des années 20, le cinéma  muet comme acteur et scénariste (il participe au tournage du Napoléon d'Abel Gance), les milieux littéraires où il fait une entrée fracassante avec Handji (1931), un roman remarqué par les plus grands. Cet anarchiste de tempérament, ulcéré comme beaucoup d'anciens de la Grande Guerre (ses futurs amis Drieu et Montherlant par exemple) par la crise des années 30, fréquente alors ces non conformistes qui tentent de concilier tradition et révolution dans le but d'enrayer le déclin. De poète exalté, il se métamorphose en conseiller du prince, tout aussi exalté mais dans un monde qui bannit toute naïveté. Or, Poulet, comme le montre bien Delaunois, est tout sauf un esprit pragmatique. Aveuglé par un ahurissant complexe de supériorité comme nombre de génies (car Poulet fut un génie… littéraire), l'écrivain se veut théoricien d'un ordre nouveau. Il donne des leçons à gauche et surtout à droite, rompt des lances en faveur de la neutralité belge après Munich, bref il s'engage sur une voie minée au risque d'être manipulé. Après la défaite, il se trouve, en compagnie du très ambigu P. Colin, à la tête du Nouveau Journal par "devoir de présence", pour le "moindre mal", dans le cadre d'une collaboration conditionnelle, certainement non vénale et ce jusqu'en 1943, quand Degrelle, par pur opportunisme, proclame la germanité des Wallons, mettant ainsi fin aux illusions. Robert Poulet, qui incarna en Belgique la figure du non-conformiste des années 30, voulut, d’écrivain pauvre, devenir maître à penser d’une sorte de révolution nationale à la belge. Rallié à une collaboration conditionnelle, à ce qu’un grand résistant a nommé un "patriotisme collaborateur", Poulet se crut, un peu naïvement sans doute, l’homme du roi Léopold III, et l’élément central d’une politique de présence face aux Allemands. On pense à Drieu, le rêveur qui se voulut homme d’action, mais Poulet était, lui, un cérébral pur, dévoré d’orgueil, perdu dans des nuées fanatiquement préférées au réel.

 

Poulet s'est-il lancé dans cette aventure avec les encouragements du comte Capelle, conseiller du Souverain? Il l'affirmera une fois condamné à mort en 1945, entrant à son corps défendant dans l'Affaire royale, où son cas est instrumentalisé par les ennemis de Léopold III. Un paradoxe de plus: méprisé sous l'Occupation par les amis du Grand Reich comme par la Résistance, ce littéraire qui s'est cru homme de pouvoir découvre les dures lois de la Realpolitik, ce monarchiste renforce la clique hostile au Roi; bref, Poulet s'enlise dans un bourbier presque mortel, car le Régent avait signé son arrêt de mort. Le déclenchement de l'Affaire qui porte son nom le sauve du poteau et, en 1951, il est conduit à Paris dans une voiture du Ministère de la Justice avec pour ordre de ne plus se manifester en Belgique. Exit Poulet? Nenni: à 57 ans, aidé par ses fidèles amis Hergé et Marceau, il se remet à publier sans trêve jusqu'à son dernier souffle, bâtissant une oeuvre puissante autant qu'originale, à rebours du siècle. Fracassant: le terme convient parfaitement à ce personnage ambivalent… et fracassé, car jamais Poulet ne digérera ce qu'il estime être une injustice majeure. En témoigne une stupéfiante lettre à Baudouin Ier. Delaunois pose à ce sujet des questions pertinentes: la justice de l'été 45 fut-elle sereine et impartiale? Pouvait-on sérieusement accuser Poulet d'avoir voulu nuire méchamment au pays? Sa conduite, dictée par un orgueil démesuré, valait-elle douze balles au petit matin? A-t-il vraiment trahi? Loin de céder à la tentation commode de l'anachronisme moralisateur, J.-M. Delaunois rend bien la complexité du personnage, écrivain majeur, immense critique, mais piètre politique. 

 

Christopher Gérard

 

Jean-Marie Delaunois, Robert Poulet, Pardès, coll. Qui suis-je ? La biographie complète (540 pages) a été publiée en 2003 sous le titre, Dans la mêlée du XXème siècle. Robert Poulet, le corps étranger, aux  éditions De Krijger.